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Full text of "MIFAO 27 Galtier, Emile - Mémoires et fragments inédits (1912)"

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MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PURLIQUE ET DES BEAUX-ARTS 



■ 1 ~ O 

MÉMOIRES 

PUBLIÉS 

PAR LES MEMBRES 

DE 

L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 

DU CAIRE 

SOUS LA DIRECTION DE M. É. CHASSINAT 




LE CAIRE 

IMPRIMERIE DE L’INSTITUT FRANÇAIS 
D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 

1912 



Tous droits de reproduction réservés 



MÉMOIRES 



PUBLIÉS 

PAR LES MEMBRES 



L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 

DU CAIRE 



TOME VINGT-SEPTIÈME 



ÉMILE GALTIER. 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS 

RÉUNIS ET PUBLIÉS PAR 

M. ÉMILE CHASSINAT 



INTRODUCTION. 



Émile Galtier a laissé en mourant de nombreux papiers. Ce 
ne sont malheureusement, pour le plus grand nombre, que des 
ébauches de mémoires, des notes prises en vue d’un travail dont 
le plan est souvent à peine indiqué, des copies de textes arabes 
inédits, des fiches lexicographiques ou grammaticales dont la 
publication ne peut être tentée, même partiellement. 

Parmi cette masse de documents, dont la variété montre f étendue 
des connaissances de celui qui les a ramassés, j’ai fait choix des 
sept mémoires que l’on trouvera réunis dans le présent volume. 
Les deux derniers sont inachevés; j’ai cru devoir les éditer néan- 
moins, malgré leur état fragmentaire, à cause de l’intérêt qu’ils 
présentent, en particulier l’étude sur les Mille et une Nuits. Un 
moment, j’ai eu l’intention d’y joindre diverses homélies, légendes 
pieuses et vies de saints que Galtier avait extraites des manuscrits 
arabes chrétiens de la Bibliothèque nationale, et qu’il se proposait 
de traduire et de commenter comme il l’avait fait pour le Martyre 
de Pilate (voir plus loin, p. 3i) et, en partie seulement, pour le 
Martyre de Salib qu’on lira dans les pages qui suivent. On connaît 
l’importance des textes de cette origine, dont Galtier s’occupa 
longuement, sur ma prière, pendant les dernières années de sa 
vie. Mais, après réflexion, il m’a semblé préférable de ne pas 
m’arrêter à ce dessein, puisqu’il ne s’agit que de simples copies, 
sommairement annotées au courant de la lecture, qui n’ajouteraient 
rien à l’œuvre strictement personnelle de Galtier. Ces feuillets sont 



Il 



déposés à l’Institut du Caire, en attendant qu’un arabisant les 
reprenne et achève la besogne si tristement interrompue. 

Les manuscrits de Galtier ont été imprimés tels qu’ils sont 
sortis de sa plume, sans correction d aucune sorte. L orthographe, 
souvent irrégulière, des fragments arabes a été respectée et reste 
conforme à celle des originaux. Ces textes ont été revus sur les 
bons à tirer par M. Akkouche, à qui j’adresse ici mes bien vifs 
remerciements pour sa précieuse collaboration. 



É. Chassinat. 



/ 



ÉMILE GALTIER. 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS 

— i o 

I 

LES TSIGANES D’ÉGYPTE ET DE SYRIE. 

Von Kremer a recueilli et publié dans les Mittheilungen de Petermann (1) , sous 
le titre de Die Zigeuner in Ægypten, un vocabulaire de leur langue qu’il consi- 
dère comme une sorte de langue de voleurs, de «Rothwelsch». Ce vocabulaire a 
été reproduit par Liebich (2) , dans son ouvrage sur les Tsiganes d’Allemagne. 
Liebich, après avoir comparé attentivement les mots de ce vocabulaire avec ceux 
du dialecte des Tsiganes d’Allemagne, conclut qua part l’aspect physique des 
Tsiganes d’Egypte, qui offre quelque ressemblance avec celui des Tsiganes 
d’Allemagne, rien ne permet de voir dans leur idiome un dialecte tsigane. 
Malheureusement son opinion est complètement erronée, et je vais démontrer 
que le dialecte dont Kremer a recueilli un vocabulaire peu étendu appartient 
bien au groupe des dialectes tsiganes. Il me suffira pour cela de prouver : 
i° que le vocabulaire recueilli par Kremer, appartient au dialecte parlé par les 7 
Helebi d’Egypte; 2 0 que le dialecte helebi, quelque éloigné qu’il soit des dia- 
lectes tsiganes occidentaux, puisqu’il est fortement pénétré d’éléments étrangers 
au vocabulaire commun, et a, comme le dialecte tsigane d’Espagne, perdu 
l’ancienne grammaire tsigane, est malgré cela un dialecte tsigane; 3° que par 
suite le dialecte dont Kremer a recueilli un vocabulaire est un dialecte tsigane. 

Une simple comparaison entre le vocabulaire de Kremer et le vocabulaire 
helebi, recueilli en Égypte par Newbold suffira pour mettre en lumière la vérité 
de ma première assertion. J’indiquerai aussi parfois les mots du ghagar et du 

^ Petermanns Mittheilungen , 1862, cah. 2. 

^ R. Liebich, Die Zigeuner in ihrem Wesen u. ihrer Spracke, 1 vol. in-8°, Leipzig, i 863 , p. 10-i i. 
Cet article manque à Pott, Die Zigeuner in Europa und Asien, t. I, p. 1-26. 

Mémoires , t. XXVII. 1 



2 



É. GALTIER. 



nawar d’Égypte, qui sont identiques à ceux du vocabulaire de Kremer; comme 
ces deux dialectes sont incontestablement tsiganes, ce sera une preuve de plus 
qui confirmera ma démonstration. 



KREMER. 



HELEBI. GHAGAR. NAWAR. 



eau 


môge , himbe 


hernbi , shiribni, 
'parti 


pain 


schenub, bischïe 


shemun, meshmul 


père 


àrüb , ab 


garubi 


mon père 


àri ibi, abamru 




mère, femme 


kodde , pl. kadaid 


ammamri 


ma mère 


koddeii 




frère 


sem\ chawïdsch 


kuwidji 


mon frère 


senti 




ton frère 


semcik, chawïdschak 




sœur 


semait, ucht 




ta sœur 


semat-ak, uchlamrak 
sem et semah signifient 
aussi rr jeune garçon» et 
rr jeune fille». 


khawishti 


nuit 


ghalmüz 


dâmud 


cheval 


sofilij , husânâisch 


sohli 


âne 


zuwell 


zowïlli 


chameau 


hantîf 


huntif 


buffle 


eunafâchah 




agneau 


mizghâl , mingdesch , chur- 

raf 




arbre 


chudruman , schagaraîsch * 


mishgarek 


viande 


ddwâneh , mahzüz'ah 


udwan 


poule 


en-nebbàsclieh 




graisse 


baruah 




esprit, ange, 
diable 


aschüm 




enfer 


ma-anwàra = feu 


megïmwara 


allume le feu 


add el-ma-anmara 




datte 


ma-ahli, mahalli 




or 


el-ma-asfar , mtdhâbesch 




argent 


bitüg 




fer 


hadidaisch 


megow 


blé 


duhübi, duhûba 




chasseur 


dabâibi 




sorcier 


iuraij 




pierre 


hogger 


hajjar 


pays 


anta, pl. anati 




tante 


arübeh 




oncle 


drüb 




lait 


raghwân, hirwân 


millonisch , helwah 



hnddi 



kuddi 



semach , hurdi 



sohli y ghora 
hunt , ashlr 



sista 



ragoon, raghebi , rowan-p.^^ 

chuti 



3 



mémoires et fragments inédits. 

KREMER. HELEBI. GHAGAR. 



NAWAR. 



oignon 

fromage 


musannin, mubsalsche 
el-mehariëmeh , mahrâteme 


musunnum 






lait aigre 
durrah 


atreschent, miscksck 
handaivïl, mvggadèvïjek 


meghidurrah 






fèves 


buhüs 








chien 


sannô 


sunno 


sunno 




loup 

couteau 


dibâisch 

el-chüsah 


tellumeh 


matwa, churi 


chiri 

(skr. churi 










a couteau (1) »). 


pied 


darrâgeh, er-raghâleh, mu- 








meschajat 








tête 


kamüchah, dumâcheh 








œil 


bas' s'as' eh, — huz'z'arah 


hazarah 






voleur 


damâni 


gowati 


dumani, halo 




main 


sckammâleh — aussi cinq 








nord 


baharâisch 








sud 


kiblâtsch 








est 


scharkâisch 








ouest 


gharbâisch 








café 


rnagâswade 








habit 


sarme 








soulier 


merkubatsch 








nez 


zenünâisch 








oreille 


widn, mudânsche 


wudn 






ton oreille 


widnamrak 








vache 


mub gars che 


mubgurscha 






bœuf 


mutwânsch 


mutwarish 






fleuve 


mistàbhar 


mer, bhar 


t 




palme 


minchalesch 








tente 


el-m ieh wàschesch 








paille 


tibnàiscK 








chrétien 


el-annâwi 


ghirni 


balamu 




œuf 


mugah'rada 


majahaled 




j 


feu 

allume le feu 
le manger 
sac 
bras 

le bras me fait 


el-muganwara 
walldisch el-muganwara 
esch-sckimleh 
migrâbesch 
eUkemmàscheh 
hemmaschlu wagaâni 


cf. supra . 






mal 








cheveux 


scharaisch 








tabac 


tiftaf 








montagne 


migbalesch 








vilain 


schalaf 








beau 


MU 









^ Ce mot est, comme on le sait, passé dans l’argot sous la forme «■ surina 



Il 



É. GALTIER. 



KREMER. HELEBI. GHAGAR. NÀWÀR. 



va 


fell JM 


J a 


j’allai 


felleil 




viens 


eutib, igdi a > ootil 


'8 


il vint 


gadat 




dis 


agmu, agemtu 




assieds-toi 


wâtib 




frappe 


ih'bîg 




il frappa 


Kabag 




il frappe 


h'abasch 




nous mangeâ- 


raccheina, schamaîna eshna, sheml 




mes 






il appela 


nabbat 




il tua 


tena 




il tue 


jitni 




je dormis 


dammacht (cf. syriaque 






dmech) 




il dort 


jidmuch 




il va à cheval 


jitalwan 




il donne 


jikij 




il donna 


kaf 




il vole, il vola 


ziknisch, kanasch 




il fait , il fi t cuire 


jitabbig, iabbag 




il vit 


haseb 




il rit 


biarrd 




viens, il vint 


tgdi, gadat 




lève-toi 


ütib 




siège 


ulcriz 




il épousa 


et kaddad, tiré de kodde 


kuddi kuddi 




« femme*. 






NUMÉRATION (kREMEr). 






1 mach 


6 sntel 




2 machein 


7 sübi * 




3 Mit, ou teïât mâchât 


8 tümin 




4 rubt, ou arbdah mâchât 


9 lüsa* 




5 chümis 


10 uschir 


Comme 


on le voit, une grande partie du vocabulaire de Kremer (K) et 


vocabulaire helebi (h) se compose de mots arabes 


sous leur forme habituelle 



défigurée : 

(K) «sœur a, uchi, o^.!; «oreille a, widn , (K) «agneau», churraf, (K) «pierre fl, 

hogger, (h) hajjar, (K) «fleuve fl, mistabhâr , (K) «allume fl, walla , Les noms de 

nombre, à partir de 4, sont tirés de 1 arabe. L élément arabe est plus considérable dans le 
helebi de Newbold : ( h) « soleil fl , chems , ; « lune fl , khamr , ji ; « étoile a , nejm, ; « air a , 



5 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 

hawa, lyft; «ciel a, sema , «terre a, ard , «pluie a, matr , «neige», telj, gio; 

« nuage a , rem, ^ ; « lumière a , nur, jy ; « montagne a , gebel, ^ ; « mer a , bahr, y s? ; « source a , 
ainf(&*;* sel», melh,£*\ «riz», ruz, j;; «lièvre», erneb, c-ô;t; «chat», ghutta, «porc», 
khanzir, «corbeau a, grab, «serpent», tabun, Jyô; «poisson», semek, 

«doigt», sabaa, «oreille», wudn, y>\; «cou», rekb , M;; «tête», ras , jJj; «ventre», 

bain, 

Les deux vocabulaires renferment des mots arabes augmentés du suffixe -isch : 

(K) baharâisch «nord», (K) kiblâisch «sud», Cs M; (K) scharkâisch «est», «Jj-A; 

(R) gharhâtsch «ouest», (R) husândisch «cheval», (R) schagaraiseh «arbre», 

(R) kadidaisch «fer», (R) dibàisck « loup », ^ ; (R) merkubaisch «soulier», 

(R) tibmisch «paille», (^5 (R) scharaisch «cheveux», Le vocabulaire helebi offre seu- 
lement le mot aswadisch «noir», tyJ, mais il suffit à démontrer que cette formation ne lui 
est pas inconnue. 

D’autres mots arabes sont augmentés d’une syllabe variable, en ma -, maga-, 
meghi -, mw- : 

(R) el-ma-asfar «or» = yus>l «jaune»; (R) muggadêrïjeh = (h) meghidurrah «durrah» = 
(R) magaswüde «café» = $y*»\ «noir»; (R) mu-meschajat «pied», de «marcher»; (R) 
ma-anwara = (h) megimwara «feu » , de ^b « feu », et en helebi miskgarek « arbre » , byte . 

D’autres mots arabes sont augmentés de ma — isch, dans Kremer et le helebi : 

(R) midhâbesch «or», (R) mubsalsche «oignon», (K) mubgarsche «vache», 

jjo — (h) mubgurscka ; (R) mulwàrisch «taureau», ^y — (h) mutwarish . Comparez encore : 
(R) minchalesch «palme», Jjtf; (K) machschabesch «bois», (R) migbalesch «mon- 

tagne», J***, et les mots helebis : mebradtsch «froid», 2 >^b; mahrarisch «chaud», Jla.; niusfta- 
rish «orge»,^wfc£»; menakrisch «jour», ^l<p. 

j 

Enfin, certains mots qui paraissent empruntés à un idiome du sud de l’Arabie, 
sont identiques en helebi et dans Kremer : 

(R) himbe «eau», (h) hembi ; (R) schenub «pain», (h) shemun; (R) c arüb «père», 
(h) garubi; (R) ckamdsch «frère», (h) huwidji et (h) khawishti «sœur»; (R) sohîlij (j ==y) «che- 
val», (h) sohli ; (R) zuweïl «âne», (h) zowilli ; (R) adwâneh «viande», (h) udwan; (R) hirwân 
«lait», (h) helwah; (R )musannin «oignon», (h) musunnum; (R) mugah'rada «œuf», (h) maja - 
haled ; (R) fell «va», (h) fill; (R) eutib «viens», (h) ootil ; (R) schamaîna «nous man- 
geâmes 1 », (h) sheml= nourriture, meshmul «pain». 

Ce mot se retrouve chez les Beni-Addès d’Algérie : «Que manges-tu?» se dit ach teclimel? 



6 



É. GALTIER. 



Nous pouvons donc conclure avec certitude que le vocabulaire recueilli par 
Kremer est le helebi d’Égypte ou un dialecte helebi^. 

Il me reste à prouver que le helebi est un dialecte tsigane. Le fait que, pour 
désigner l’eau, le helebi dit siribni en serait déjà une preuve assez forte; siribni 
n’est autre que l’arabe sirib augmenté du suffise -ni connu de tous les dialectes 
tsiganes et qui sert à former les féminins, comme cela a lieu en hindoustani. 
Mais heureusement que le helebi, quelque corrompu qu’il soit par l’intrusion 
de nombreux éléments étrangers, a conservé parmi les mots recueillis par 
Newbold un certain nombre de mots tsiganes, et, sans aucun doute, nous en 
trouverions un bien plus grand nombre si nous possédions un vocabulaire 
complet du helebi. Je citerai d’abord le mot pani, «eau» en helebi, mot qui 
se retrouve à la fois en Orient et en Europe, le mot churiya «oiseaux» (comparez 
l’hindoustani chiriya ), qui existe en Europe sous la forme ciriklo (Grèce) « oiseau », 
cerikli (Roumanie), ciriklo, féminin : cirikli (Hongrie), cirkulo (Allemagne), 
cyriklo (Pologne, avec l slave), ciriklo (Russie), ciriklo (Italie), cériklo (Angle- 
terre), ciriklo , cirikli (Espagne) et suria dans le tsigane du pays basque, du skr. 
ciri «perroquet». 

Le helebi huntïfn chameau» se retrouve en ghagar, hunt, et dans le vocabulaire 
de Kremer; les Tsiganes occidentaux ont perdu ce mot. En ce qui regarde la 
finale-/, comparez guru «bœuf», guruf; suna «chien» et sunuft. 

Le mot sannô «chien», qui existe chez Kremer sous la forme sannô, se dit 
en helebi sunno, en ghagar sunno. Il existe également chez les Tsiganes de 
Perse et s’oppose au dluklo du tsigane occidental. 

Je citerai encore le mot helebi bndi «pudendum muliebre», en nawar bud. 
Ce mot existe en Europe sous la forme bul «anus» et «pudendum muliebre», 
dans le vocabulaire de R. Vulcanius, qui est un des plus anciens vocabulaires 
du tsigane, bul, ml (grec), bul, bhul (hongrois), bül (russe et espagnol), huit 
«orifice, anus» (roumain), bulindra «prostituée» (roumain), buli «pudendum 
muliebre» (sanscrit); le ghagar dit minchia «pudendum muliebre», qui existe 
en Europe sous les formes mindï (grec), mij, miji (roumain), mindî (hongrois), 
mins, mirull (anglais), minci (espagnol). Cf. skr. mih, pâli mëha, lat. meiere 
(d’après Pott, op. cit., II, p. 95). 

(1) Il est à noter que dans le vocabulaire de Kremer le g se prononce à l’égyptienne bogger, 
migbalesch, schagaraisch , et à la syrienne dans celui de Newbold, hajjar, telj , nejm, à côté de gebel et 
de mishgareli, ce qui démontre que les Helebis sont originaires de Syrie, comme l’indique 

leur nom c_aAa., 



7 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 

Enfin le mot «village» est traduit en helebi par gaouli ; il paraît dans le 
dialecte* ghagar sous la forme gao, qui correspond au tsigane européen gav 
(grec), gau (roumain), gav (hongrois et tchèque), gâb (allemand), gav (Scan- 
dinave et anglais), gau (polonais et espagnol). C’est l’équivalent de l’hindoustani 
gao, skr. grâma, pâli gâma. 

Le dialecte helebi et le dialecte de Kremer sont donc des dialectes tsi- 
ganes d’Égypte. Les Tsiganes d’Égypte se divisent en Helebi, Ghagar et Nuri 

(Nawar). 

Selon Newbold, les Helebi ont leurs pérégrinations confinées dans la vallée 
du Nil et le Delta ; quelques-uns suivent cependant parfois les pèlerins de la 
Mecque. Au Caire, on les trouve pendant le printemps et l’hiver suria droite de 
la route qui va du Caire à Choubrah; ils prétendent venir du Yémen et de 
l’Hadramaout et avoir leur histoire écrite dans le Us se donnent le 

nom de (jàlsXsî que Newbold n’a pu expliquer. L étymologie en est facile , 
cependant, en retranchant les additions ma- et -as, il nous reste 1 élément 
j 5 qui indique que ces tribus ont dû venir de la Syrie. Ils se divisent en 
quatre tribus, Balatieh, Surutieh, Shoeiha (?) et Hameidat. Quelques-unes de 
leurs tribus auraient pénétré d’Égypte en Abyssinie. 

Les Ghagar ressemblent physiquement aux Helebi et aux Kourbat de Syrie, 
et errent en Égypte durant l’été. Au Caire, ils habitent un endroit appelé le 
Hos-el-Ghagar, derrière la mosquée du sultan Hassan; ils sont forgerons et 
étameurs. Une autre colonie que signale Newbold comme habitant le Vieux- 
Caire fournit des Pehlewan. Les Ghagar savent qu’ils ont des freres en Hongrie 
qui parlent leur langue plus purement qu’eux, ce qui est exact; leur langage est 
celui qui a le plus de rapport avec celui des Tsiganes d Europe. 

Les Nuri (Nawar) sont des voleurs de profession; on les employait du temps de 
Newbold comme gardiens. 

Le mot nawar désigne en Palestine les Tsiganes; dans le nord de la Syrie ils 
se nomment Kourbat, Roumeli, dinganih, AibCo».; ils mènent 

une vie nomade en été et campent en hiver près des villes. Le chef d’une bande 
dit à Newbold qu'ils habitaient la Syrie depuis la création, quoique selon une 
tradition reçue de leurs pères ils fussent venus de l'Inde. Selon eux, les nomades 
appelés Dumans sont leurs cousins^*. 

ll] C'est l’histoire, non pas de la cruche, jij, mais de Zir Salem, à ce que j’ai appris, ouvrage 

populaire arabe bien connu. 

2 Le vocabulaire duman donné par Nïwbold, The gypsies of Egypl, prouve, en effet, que ce 

dialecte est tsigane. 



t 

4 




8 



É. GALTIER. 



Les conclusions qui se dégagent de cette étude sommaire de quelques dialectes 
tsiganes d’Orient sont les suivantes : les dialectes tsiganes orientaux semblent se 
distinguer des dialectes européens par quelques particularités lexicograpbiques 
assez importantes (1) , qui ne permettent pas de voir en eux une branche des 
Tsiganes occidentaux, mais un groupe de tribus depuis longtemps séparé des 
Tsiganes d’Europe, peut-être même une branche collatérale' 2 ’. En ce qui 
concerne la pureté de la langue et du vocabulaire, les dialectes européens l’em- 
portent de beaucoup sur les dialectes orientaux, dont le vocabulaire, autant 
qu’on en peut juger par les documents encore insuffisants recueillis en Orient, 
est, sauf en ce qui concerne les Ghagar d’Egypte' 3 ’, mélangé à un degré extra- 
ordinaire d’éléments étrangers, et dont plusieurs ont complètement perdu la 
grammaire tsigane, comme par exemple le djongi de Perse ' a ’, le helebi d’Egypte, 
le tsigane de Tokat (Asie Mineure) et le Beni-Addès d’Algérie. Ce phénomène est 
dû, sans aucun doute, à ce que les Tsiganes d’Orient ne forment pas de groupes 
de populations compactes comme c’est le cas pour les Tsiganes de Roumanie et 
de Hongrie , d’où se sont détachées à diverses époques et se détachent encore les 
bandes de nomades qui parcourent l’Europe (5) , mais de petites troupes errantes 
chez lesquelles la structure grammaticale a disparu la première, et dont le 
vocabulaire est allé se corrompant de plus en plus. Il serait bien désirable que 
l’on eût pour les Tsiganes d’Orient l’équivalent des documents que l’on possède 
pour ceux d’Europe, et que les savants européens qui, en Perse, en Egypte, 
dans la Turquie d’Asie et le Magreb, sont à même de les recueillir, voulussent 
bien prendre la peine d’interroger ces nomades; ils rendraient un service signalé 
aux études tsiganes qui, depuis les travaux de Pott, de Miklosich, et de l’archiduc 
Joseph' 6 ’, sont à peu près stationnaires en ce qui concerne le fond général de la 
doctrine. 



W Cf. Paspàti, Étude sur les Tsckinghianés ou Bohémiens de V empire ottoman, 1 vol. in~ 4 °, 1870, 
Constantinople p. 1 18-1 2 5 . 

Cette conclusion était déjà celle de Rataillard, cf. Revue critique, 1870, II, p. 3 oi. 

Si j’en crois certains renseignements, les Ghagar d’Égypte ne seraient qu’une tribu de 
Tchinghianés émigrés de Constantinople, il y a un siècle ou deux, ce qui expliquerait la pureté 
relative de leur dialecte. 

C’est ce que prouvent les quelques phrases recueillies par M. J. de Morgan. 

J’ai vu, dans mon enfance, une de ces bandes, comprenant environ deux cents personnes, 
qui était venue de Hongrie jusque dans la Rouergue et, il y a deux ans, une ou deux familles qui 
revenaient d’Espagne et retournaient à Constantinople. 

^ Je fais allusion à la grammaire comparée des dialectes tsiganes composée en hongrois par 
l’archiduc Joseph : A csigany nyelvtan ; il en existe une traduction allemande. 



4 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 



9 



BIBLIOGRAPHIE' 1 ’. 

0 

Richardson, An account of the Bazeegurs , a sect commonly called Nuts (Asiatic Researches, 
London, 180 3 , VII, p. 4 51-/179); cf. Pott, Die Zigeunerin Europa und Asien , t. I, p. 17. 

Irvine, On the similitude beiween thegypsey and kindoostani language ( Transact . of the lit . Society 
of Bombay, 1819); cf. Pott, ibid., t. I, p. 20. 

Ousely (W.), Travels in varions countries of the East, more particularly Persia, London, 1 82 3 , 
t. III, p. 4 oo (donne des mots du dialecte qoratschi de Perse). 

Pott (A. F.), Die Zigeunerin Europa und Asien, 9 vol., Halle, i 844 -i 845 . 

Pott (A. F.), Uber die Sprache der Zigeuner in Syrien ( Zeitschrift fur die Wissenschaft der 
Sprache , Berlin, t 846 , t. I, p. 175-186). 

Seetzen, U. Jasper, Reisen durch Syrien , Palaestina , Phônicien, die Transjordanlànder , Ârabia 
Peiraea und Unter-Ægypten , Berlin, i 854 , t. II, p. 18/1-189 (vocabulaire du dialecte des Tsi- 
ganes de Syrie); cf. Pott, op. ctL , t. I, p. 20. 

Newbold, The Gypsies of Egypt ( The Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and 
Ireland , London, i 856 , t. XVI, p. 285-3i2; vocabulaire helebi, ghagar et nawar d’Égypte, 
duman et kurbat de Syrie, et un petit vocabulaire du dialecte tsigane de Perse). 

Proceedings of the Roy . geogr. Soc . of London, i 856 , n° 2 , p. 37-/11. 



Gobineau, Persische Studien, I, Die Wanderstâmme Persiens [fZeits, d. deutsch . Morg. Gesellsckafl, 
t. XI, 1857, p. 689-700). 

Paspàti (en grec), dans la Nouvelle Pandore, n° 178-182, et le même mémoire augmenté 
par le R. C. Hamlin, Memoir on the language of the Gipsies as now used in Turkish empire ( Journ . 
of the American Oriental Society, 1 862 , t. VII, p. 1/13-270. , » 

E. Trumpp, On the language of the so-catted Kâfirs of the Indian Caucasus ( Journ . of the Rôy . 
Asiatic Society of Great Britain and Ireland, vol. XIX , p. 1 -3 0, London , 1 8 6 2) ; cf. Zeits. d . deutsch . 
Morg . Gesellschaft, t. XX. 

Paspàti, Étude sur les Tsckinghianés ou Bohémiens de F empire ottoman, 1 vol. in- 4 °, 1^870, 
Constantinople (donne aussi des vocabulaires des Tsiganes d’Asie Mineure). 

Narses Sàbkisiàn, Topographie de la Grande et Petite- Arménie , 1 864 (en arménien), p. 81-82 , 
donne un vocabulaire des Tsiganes d’Arménie, reproduit dans Miklosich, Beitrâge zur Kenntniss 
der Zigmnermundarten, IV, p. 4 o- 4 i. 



j ..v , nmv îniuet,, i^uuun , /janmar, etc., a voi., 

ahore, 1868 (?), vol. I, partie I— IV , donne un vocabulaire comparé des idiomes dardu qui, 
avec le kâfir, forment un groupe voisin du tsigane; cf. Miklosich, Beitrâge zur Kenntniss der 

fàgiMnermundarten, IV, Wien, 1878, p. 45 - 54 . 

.. ^^^°£ r ^phie sommaire doit être complétée par Y Orientalische Bibliographie , le Journal 

ofthe Gypstes , Lowe Society , etc. On trouvera une bibliographie de ce qui concerne les Tsiganes dans 
la grammaire hongroise de l’archiduc Joseph. 

Mémoire t , t. XXVII. 



* 



II 

LE DIALECTE DES DJOUGI ET DES GOOUDARI 

DE PERSE. 

Dans ses études linguistiques sur les dialectes de la Perse moderne, 

M. J. de Morgan a recueilli deux vocabulaires peu étendus de deux dialectes par- 
lés par des nomades des environs d’Asterabad, appelés les uns les Djougi et les 
autres les Gooudari (,) . L’auteur déclare s’être informé auprès de ces nomades 
de leur origine, sans qu'ils aient pu lui donner à ce sujet aucun renseignement. 
Un examen des deux vocabulaires nous permettra facilement de déterminer le 
groupe linguistique auquel appartiennent ces deux dialectes et par suite de 
donner quelques renseignements sur l’origine de ces nomades. 

Nous devons dire, tout d’abord, que ces deux vocabulaires ont été recueillis 
avec assez peu de soin : ainsi un même mot traduit dans le dialecte gooudari 
des mots désignant des animaux absolument différents. On y lit, en effet : n° 33 , 
«tigre», darendè; n°34, «léopard», darendè; n°35, «loup», darendè; n°38, «re- 
nard», darendè; ailleurs, le mot hôkorà désigne à la fois: n° 28 , la ehevre, n° 29 , 
le mouton, n° 3o, la brebis. Quelque pauvre que l’on suppose le vocabulaire de 
ces nomades, il est absolument impossible d admettre une confusion semblable 
entre des animaux aussi différents que le tigre, le renard, le léopard et le loup. 
Ailleurs (n° 3 1 ), on donne comme appellation du chevreuil en gooudari: djanovar . 
Ce mot n’est autre que le persan qui signifie «animal». On ne voit pas 

comment le mot persan «animal» se serait spécialisé chez les nomades au sens j 
de «chevreuil» ; le dialecte goudji donne ahon, qui est le persan jj&l «chevreuil». 

Il semble donc qu’il y ait ici quelque méprise, et que le Gooudari à qui l’on 
demandait en persan le nom correspondant à «chevreuil » a purement et sim- 
plement répondu : «c’est un animal», djanovar. Ces erreurs ne surprendront pas 
les personnes qui ont eu l’occasion de recueillir des vocabulaires analogues à 
celui-ci auprès d'individus illettrés. J’en citerai un exemple pris dans le vocabu- 
laire des Ghagar d Égvpte recueilli par le capitaine Newbold : on y lit, en effet, 
à un certain endroit : boat «bateau», en helebi markab, en ghagar sutür. 11 est 
clair que M. Newbold a voulu demander comment on disait un bateau, merkeb, 

111 J. de Morgan, Mission scientifque en Perse, t. V, 1 " partie, p. 3o4-3o7. 



2 . 



12 



É. GALTIER. 



que les Helebi lui ont répondu par l’arabe merkeb, au sens de «monture», et 
les Ghagar sülür, qui est persan et signifie « chameau ». J’indiquerai encore un 
autre mot du vocabulaire qui est certainement erroné : c’est le mot dodâ (n° 20), 
qui est traduit par «frère». Si nous remarquons, en effet, que le mot «mère», 
nanè, est emprunté au taliche nânâ, que «père» se dit moness-bili, et «sœur», 
khor-biti, nous serons amenés à corriger nécessairement «père» en «frère» pour 
moness-bili, à lire pour dodâ «père», au lieu de «frère», et à voir dans ce 
mot un emprunt fait au dialecte taliche, où «père» se dit dada. Après ces re- 
marques préliminaires, passons à l’examen du vocabulaire. 

Le vocabulaire des Djougi et des Gooudari renferme, comme on peut s’y 
attendre a priori, un grand nombre d’éléments persans. Il serait trop long 
d’examiner ici, l’un après l’autre, les mots du vocabulaire djougi recueillis par 
M. de Morgan, et qui sont en nombre plus considérable que ceux du vocabulaire 
gooudari, dont M. de Morgan n’a recueilli que quatre-vingt-onze mots. Nous 
citerons simplement la numération gooudari et djougi en la rapprochant des 
noms de nombre recueillis en Perse par M. de Gobineau (l) , chez une tribu 
semblable de nomades. 

VOCABULAIRE 





GOOUDARI. 


DJOUGI. 


DE GOBINEAU. 




GOOUDARI. 


DJOUGI. 


1 


yékan 


jakôd 


yehat 


12 




devazdahot, etc. 


2 


dôkan 


douhôd 


douhat 


20 


bisyekan 


bistahot 


3 


sêkan 


sohod 


sehhat 


30 


siekan 


syhot 


h 


tchaharkan 


tchorhôd 


tscharhat 


40 




ichehilhot , etc. 


5 




pehdjhot 


penschhal 


100 


sadiakan 


sadhot 


6 




chichhot 


scheschhat 


1000 




hézorhod 


7 




hâfthôt 


hefhal 


1" 




yakhod 


8 




hachhôd 


keschhat 


2° 




douhod 


9 




nohod 


nohhat 


moitié 


nimyakan 


nim 


10 


dayakan 


dahôd 


dehhat 


quart 


roubyakan 





1 1 yazdahot 



On reconnaît tout de suite que cette numération est empruntée au persan, 
avec l’addition d’un élémenj -hot, bat en djougi , -kan en gooudari. Gela est prouvé 
par la numération des Ghagar et Helebi égyptiens qui ont conservé , à peu de 
chose près, la numération primitive de ces tribus nomades. 



W De Gobineau, Persische Studien, dans la Zeits. der deutsch. Morg. Ges., XI(i 857), p. 696 . M. de 
Morgan n’a point connu cet article. 



A 



13 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 





HELEBI. 


ghagar (d'après Newbold). 


1 


ek 


ek 


2 


dut 


dui 


3 


dui ek 


dui ek ou sih (= persan sih) 


4 


car 


dui fi dui = 2+2 


5 


penk 


penk 


6 


penk ek 


penk ek (5 + i ) 


7 


penk i dui 


penk fi dui ( 5 + 2 ) 


8 


ister 


hesla (persan hest) 


9 


now ou penlc t dui fi dui = 5 + 2 + 2 


enna 


10 


des ou des 


das, des et dch (persan s.* , deh ) 



L’on remarquera que, tandis que le persan dit^l^e*, cahar et sô, deh, où 
le s représente un t primitif (cf. le sanscrit catvâras, où un son primitif cor- 
respondant au sanscrit ç,daça «dix»), les dialectes helebi et gbagar ont dans 
Sar perdu l’aspiration et conservé la sifflante de das, comme le fait l’hindous- 
tani : «quatre», car, j l^., et das «dix». Quant aux mots «moitié», nimyakan-, 
«quart», roubyakan, ce sont les mots persans |fÿ, mm, et arabe augmentés 
du même suffixe kan. 

En outre de la numération empruntée au persan, les Djougi et Gooudari ont 
emprunté au vocabulaire persan un grand nombre de mots qui ont remplacé 
les mots disparus de leur propre dialecte : l’élément persan est surtout considé- 
rable dans le vocabulaire djougi. Dans le vocabulaire recueilli chez les Gooudari 
je citerai les mots suivants : 

Le «lièvre», Icliargous; la «souris», mouch ; le «chat», gorba; la «pierre», seng (cf. mazen- 
derani sert, senk, seng, ghileki sônk, persan sengy, l’«or», tela (maz. tdla , telà, gh. 

lôlu , taliche tôle, télé, persan SÜ»): le «lait», sir (maz. chir, khir, chir, chdt'j ; IVœuf», spï. Ce 
mot me paraît tiré du taliche ispi, sepî (maz., gh. espè, esbï, ispè) , c’est-à-dire «le blanc». 

C’est une appellation forgée par les nomades et tirée par eux d’un adjectif 
persan dialectal. S’il paraît surprenant que le mot «blanc» ait servi à désigner 
l’œuf, on n’a qu’à se rappeler qu’en kabyle zouaoua, l’œuf se dit de même 
thamellalt, plur. thimellalin, «la blanche», de la racine MLL; comparez amellal 
«blanc», «être blanc», melloul, «blancheur», themlel, « blanchir » , smellel. C’est 
par un procédé sémantique analogue que le mot persan sirin, «doux», a 

été employé pour désigner le «sucre», en gooudari, tandis que les mots corres- 
pondants en mazenderani et ghileki sont chaker, chekhar, kant, rhont. De même, 
en djougi, le mot persan surkh «rouge», a pris le sens de «braise». 

Je citerai encore parmi les emprunts persans, le «fleuve», rouvor, qui est le 



14 



É. GALTIER. 



ghileki rôvor, et les mots djanôvar « chevreuil (?)», et darende qui est le persan 
tàsljô « rapace», dont il a été question plus haut, comme traduisant indiffé- 
remment, le ccloup», le « tigre », le cr renard», le ce léopard». 

Ces éléments étrangers une fois éliminés du vocabulaire gooudari, il reste 
un certain nombre de mots dont l’origine n’est pas très claire, et qui sont peut-être 
propres au dialecte gooudari, mais dont je ne puis donner les correspondants 
dans les autres dialectes de la même famille. Néanmoins, le résidu linguistique 
nous offre un nombre d’éléments suffisants pour déterminer avec certitude le 
groupe linguistique auquel appartiennent le gooudari et le djougi. Ces deux 
dialectes ne sont nullement des dialectes persans, mais des dialectes tsiganes. 
Les Gooudari et les Djougi de Perse, comme les Tchinganées de Turquie les 
Zigeuner d’Allemagne, les Zingari d’Italie, les Gitanos et Ciganos d’Espagne 
et de Portugal, les Gipsies des îles Britanniques, parlent un dialecte de cette 
langue dérivée du pracrit dont se servent entre eux ces nomades qui sont 
répandus dans l’Europe entière, de Constantinople en Espagne, et en Afrique 
depuis l’Egypte jusqu’au Magreb. C’est ce que démontrent les mots suivants. 

L’« homme » së dit en gooudari mâness , en djougi mâness . M. de Gobineau, dans le petit 
vocabulaire recueilli par lui en Perse, donne mânes , le tsigane d’Arménie dit manus . Ce mot, 
que tous les Tsiganes d’Europe comprendraient, est le sanscrit manusa . Les dialectes persans 
emploient au contraire le mot mari, remontant à une forme zende, qui est l’équivalent du 
sanscrit mrta-s, grec apëpoTos. Les formes tsiganes européennes sont : Grèce, manus; Rou- 
manie, manus; Hongrie, manul; Bohême, manus; Allemagne, manus; Russie, manüs ; Suède, 
manus , manus; Angleterre, manüs; Espagne, manu . Sur ce mot manus , les Tsiganes ont formé le 
féminin manusni « femme»; comparez la formation féminine hindoustani en -ni, bagh «tigre», 
baghni «tigresse». 

La «femme» se dit en gooudari damini . Ce mot n’existe pas en djougi et est remplacé par 
djeved => djevid (de Gobineau), sur lequel je vais revenir. Damini me paraît l’équivalent du tsigane 
européen romni « femme » , féminin de rom « homme » (2 b Le mot rom existe dans tous les dialectes 

W Comme on le sait, tous ces mots dérivent d’un mot grec dr^lyuavos, ro-lynavos, dérivé lui-même 
du grec kdlyyavos , qui désignait une secte chrétienne bannie de l’empire byzantin au ix e siècle, 
dont le nom fut donné aux Bohémiens, quand ils apparurent pour la première fois à Byzance; 
cf. Miklosich, Uber die Mundarten u. die Wanderungen der Zigeuner Europa's , VI, p. 67. Les noms de 
Gipsy, Egyptiens, TvÇtos, Gitanos, sont dus à ce qu’on les croyait ou à ce quils se disaient 
originaires d’Egypte : ainsi, en 1417, une bande apparut en Suisse, dont le chef se faisait appeler 
le duc Michel d’Égypte; les archives de Millau (Aveyron) renferment une délibération des consuls, 
sous Louis XI, au sujet de l’autorisation d’entrer en ville que sollicitait une bande de ces nomades, 
dont le chef prend le titre de duc de Thunes. 

^ On trouve les formes rumini, rammenin dans Miklosich, Beitrâge zur Kenntniss der Zigeuner - 
mundarten , III, p. 18. 



4 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 15 

tsiganes d’Europe, mais en Asie on ne ie trouve que dans les Tsiganes de Tokat sous la forme 
lom Les mots mâness et damini s’emploient aussi pour «mâle» et «femelle» et n’ont en ce 
sens aucun rapport avec leurs équivalents iraniens : kurde nir, ner, nier; persan y, ner; 
pehlvi nar; ossète nal, mie «mâle»; kurde mû, ma, mâia ; pehlvi mai; persan mûdeh, 

• Ce mot mâness se retrouve encore en gooudari dans l’expression pir-i-mâness «vieillard», 
où M. de Morgan a cru voir le mot persan pir «vieux», uni par l’izafet à mâness. Je crois quil 
faut plutôt y voir l’adjectif tsigane püro + manus «vieil homme»; tsigane de Grèce, purô, 
phuro «vieux»; Bohême, phuro, phuri ; Pologne, puromni «vieille femme» == pun romni, 
p Uro = skr. vüddha; prakr. vuddha; hindoustani bürhâ «vieil homme», burhï «vieille femme». 

L’équivalent de romni, dans Gobinau, djeved, djevid «femme», est le tsigane européen dïuvel 
«femme», grec dzuvél, roumain zuvli, hongrois dzuvli, allemand cuvli, russe dzuli, «vieille 
femme», anglais dzuvel, syrien djüri (Miklosich, op. cit., VII, 52 , d après Seezen), mais 
je crois qu’il faut lire dzuvi, c’est le skr. yuvati «jeune fille»; latin , juvenis ; irlandais, og; 

allemand , jung. ... 

L’« œil » se dit en gooudari akon W, en djougi nouhour = nour (Gobineau). Les dialectes iraniens 

sont dérivés d’une racine différente : kurde tchao, zend tehachnum, persan tchesm, Akon 

est évidemment dérivé d’une racine *ak : le tsigane occidental offre dans tous les dialectes 
la forme jak, sauf en Hongrie akh, à côté de jâk, et dans le pays basque aka, le ghagar et le 
nawar d’Égypte ont la forme ankhi, le tsigane d’Arménie aki. C’est le skr. aksi, pâli akkhi, sindh. 
akhi, akhe. Pour l’équivalence de ks skr. et kh tsigane, cf. Miklosigh, Beitrâge zur Kenntniss d. 
Zigeunermundarten, Wien, 187A, I-II, p. 19. Pour ja = skr. a, cf. skr. agni - tsigane jak 
« feu » ; javer « antre » = sk. apara . 

La «faim» se dit en gooudari pekeré . Ce mot doit être rapproché du tsigane grec bok, la 
«faim», roumain bok, bohémien bokh, allemand bôk, espagnol boké, et d’où l’adjectif bokalô 
«affamé». Le tsigane de Syrie, d’après Pott, dit bkâla. C’est le sanscrit ( bujbhuksâ , hindoustani 
bhükh. 

Le gooudari khalür , la «viande», est probablement l’équivalent du djougi khalon «pastèque», 
dont le sens primitif est «ce que l’on mange, aliment», du verbe chava, chai «je mange, il 
mange », ayaliden « manger » (Gobineau) , tsigane arménien yaliw « viande », yatel u « nourriture », 
cha~be «nourriture», et avec le suffixe -ori, chal-ari pour chalori (italien) «un peu de pain». 
Sanscrit khàd, prâcrit khâ, (hindoustané) khâ-na «manger». 

Tel «graisse» en gooudari, tsigane arménien k’el «huile», est le tsigane grec kil «graisse, 
beurre»; roumain khil «huile, beurre»; hongrois khil t’hil «graisse, beurre»; bohémien 
ihil; allemand kil «beurre»; anglais kil ; espagnol kir . Le tsigane de Tokat dit kül, kür , gur, 
kir, pir, avec le sens de «lait». C’est Thindoustani tel «graisse», du sanscrit ksïra, pâli khîra. 
Sur le skr. ks = tsigane kk, cf. Miklosich, Beitrâge zur Kenntniss der Zigeunermundarten, I-II, 
p. ig-ai. 

Le gooudari arât « nuit » est le djougi nom-arat; il est des plus caractéristiques , car les dialectes 
iraniens tirent le mot d’une racine différente : persan, cheb, taliche, chao, chango ; 

kurde, chow, chao . Ce mot existe au contraire dans tous les dialectes tsiganes occidentaux, 

• 1} B. Vulcanius, qui a recueilli le plus ancien vocabulaire tsigane, donne la forme achan, apud 

Miklosich, Beitrâge , I, II, p. to. 



16 



É. GALTIER. 



sous les formes ralt, rati, ratti, raleh, raati, raci , aroéH'l Paspati donne la forme arâtt pour 
le tsigane d’Asie Mineure. Les Ghagar d’Égypte disent rata, les Kurbat de Syrie arat (les 
Dumans de Syrie ont show, tiré du persan). Ce mot est l’hindoustam rat, le smdh. rate, pracnt 

ratR, sanscrit râtri. 

Le «cheval» se dit en gooudari gorâ «cheval, mulet» = ghora (Gobineau) = ghora 
(Newbold). Ce mot est le tsigane roumain gara «cheval», garant «jument»; espagnol, goro 
«poulain»; tsigane d’Asie Mineure, agôri, agora «cheval»; Syrie, aghora, ghora (Seetzen), 
agora (Ousely ) ; ghagar, ghora. C’est l’hindoustani ghora, skr.ghota. Il esta noter que la majorité 
des Tsiganes européens se sert du mot gras, grast, graj, espagnol graslé, tiré de 1 arménien 
grast «bête de somme», et que ce mot est inconnu aux dialectes orientaux. 

Le «bœuf» se dit géri en gooudari, la «vache» gerl, le «buffle» gen: en djougi, gouri est le 
« bœuf» et gouri-made, la « vache » = « bœuf femelle » du persan #àU- Miklosich , d après Paspati , 
donne goruf «taureau» pour l’Asie Mineure, goorur, goru «vache» pour la Syrie; le ghagar 
et le nawar ont goru (Newbold), le kurbat a pour la «vache» goru, pour le «taureau» goruf et 
tnaïa-goru (Newbold). 11 y a ici une erreur évidente et mdia-goru ne peut désigner que la vache. 
Le tsigane européen dit : guruv, guri (Grèce), guruu (Roumanie), guru, guruv (Hongrie), 
guro, gurub, gurumni (Allemagne), gruj, gorbi (Espagne). Miklosich rapproche le bengali goru. 

L’hindoustani dit bail J*?, féminin ga’e. Les dialectes iraniens ont : kurde, gâ, go, gâw; 
pehlvi, gaw; persan, gav ; ossète, gai. 

Bôkôra en gooudari désigne le mouton, la chèvre, la brebis. Le tsigane de Perse dans 
Newbold est èara(?), bakra «mouton». Le tsigane d’Asie Mineure dit bakâra (Paspati), celui 
de Syrie bakra, backrah « agneau» (Miklosich). « Sheep » est traduit dans Newbold par bakra pour 
le ghagar et le nawar; le tsigane d’Europe dit bakrô «mouton»; bakri (Grèce et Roumanie), 
bakro «bélier» (Hongrie, Bohême, Pologne, Russie); bôkro «brebis» (Angleterre), braki 
(Espagne). Gf. Thindoustani bakra, bakri «chèvre» ; dekhani, bakrâ «brebis». 

Le gooudari baldi «sanglier» paraît être l’équivalent du tsigane bâlo «porc», féminin bail, 
qui existe dans tous les dialectes. Les dialectes iraniens ont un mot différent : kurde , bôraz, 
baras, waras, v. persan, varaza ; kurde, khouk, khou ; persan, dÿ- ; arménien : khoz ; 
ossète, khonj . 

Le djougi mona , «pain a, se retrouve dans Gobineau sous la forme meno et en Asie Mineure 
sous la forme malav (à Tokat) et mena (Paspati). C’est le tsigane occidental manro, marno, 
maro, mando, du pâli manda, selon Pott, op. cit., II, hh o, skr. mandha. 

L’«eau» se dit en gooudari onîom, forme suspecte, car Gobineau donne pour le tsigane de 
Perse puno, Newbold, panow ; le djougi dit pouno, le ghagar d’Égypte pani, le kurbat de Syrie 
pani; le douman how et le nawar d’Égypte ooh, sont empruntés à un dialecte iranien. Paspati 
donne bani, pal pour l’Asie Mineure. Tous les dialectes européens ont le mot pani. C’est l’hin- 
doustani pânï, le sindhi pânï, le skr. pânîyâ-m «eau». 

U) On a la formule lachira tut = lachi rat tute «bonne nuit à toi», dans le plus ancien texte tsigane 
imprimé (i54a), apud Miklosich , Beitrüge, I II, p. h. Dans la première phrase loch ittur ydyves « good 
morow », où Miklosich voit laci tutti dives «bonus tibi dies», je verrais plutôt laco tiro dires «(sh) bonus 
tuus diesïï. 



MÉMOIRES ET FRAGMENT INÉDITS. 17 

Quelques mots qui sont certainement tsiganes n’ont pas de correspondants dans les dialectes 
européens. Ainsi le «sel» se dit choureki en djougi, chûrkani en gooudari, schouréki en persan 
(Gobineau). Le ghagar d’Égypte dit Ion et iraki, le kurbat de Syrie Ion, qui est l’équivalent du 
tsigane occidental Ion. Paspati donne lohn pour l’Asie Mineure ; skr. lavana. 

L’«œuf» se dit en djougi tünoi, la «poule» thünoi. Newbold donne anai, tanai «œuf» (Perse), 
le kurbat de Syrie ano; c’est l’équivalent de jaro «œuf», (Allemagne) anro, andré, antru; 
tsigane d’Asie ani ( Miklosich (1) , d’après Paspati, Ousely, Seetzen): nr = n, cf. meno « pain » — 
manro; grec, vando, vanrô, amô ; roumain, anro; polonais, jaro; russe, jaro; Scandinave, 
jaro; anglais, yôro; espagnol, anro; arménien, anlô, du sanscrit anda. 

Un des mots les plus curieux des dialectes tsiganes orientaux est le mot chien. Le «chien» 
en tsigane européen se dit dzukél (Grèce), zukol (Roumanie), dzukal, dzuklo (Hongrie), dzukel 
(Bohême), zukklo (Allemagne), dzukel (avec l slave, Pologne), dzukel (Russie), juklo (Scan- 
dinavie), dzukél (Italie), cukel (Espagne), iuket dans le vocabulaire recueilli par B. Vuïcanius, 
dzukal (en Sibérie, gouvernement de Tomsk), du sanscrit jakuUt. 

Les dialectes orientaux ne connaissent pas ce mot : ainsi le gooudari dit sôna , le djougi 
sounouft, le helebi d’Égypte sunno, le ghagar d’Égypte sunno, le dialecte recueilli par Kremer 
sannô. Le kurbat et le duman de Syrie emploient suruntu et kuchek. Ce mot me parait issu du 
sanscrit çvan « chien», forme faible ç un. Je n’ignore pas qu’en tsigane européen nous avons un s 
comme correspondant à un ç sanscrit: çata «cent» = tsigane sel; ciras, xépas = tsigane sero; caca 
«lièvre» = tsigane sosoj; çukra = tsigane Sukar «beau»; castra «fer» = tsigane sastir, que s 
sanscrit = tsigane s: manusa «hoinme» = tsigane manus, mais les tsiganes orientaux ont une 
forme à sifflante mâness. Je crois donc que provisoirement on peut admettre l’étymologie de 
sunno = skr. ç van. 

De l’examen des vocabulaires djougi et gooudari, il résulte avec évidence que 
ces nomades parlent un dialecte tsigane oriental. Les Djougi ne sont pas cités 
parmi les Tsiganes du nord de la Perse qu’énumère M. de Gobineau, mais le 
nom des Gooudari se retrouve dans cette liste qu’il n’est pas inutile de repro- 



re : 
Sanâdi 




Kerzi 




Kascterasch 




Toârtebib 




Bodâghi 




Gaubâz 




Àdenesiris 




Baskapan 




erma ai (Or- 




Gaudari 


(Mazenderan) 


fèvres , se disent d’ori- 
gine grecque) 

Scheheryâri 




Kâschi 

Bedjümbün 





w Miklosich, op. cit.,V, p. 7. 
Mémoiret , t. XXVII. 



18 



É. GALTIER. 



On désigne les Tsiganes dune façon générale sous le nom de Qeregi, qu’ils 
regardent comme une insulte, de J[ys*,Djuki (les Tsiganes anglais portent le même 
nom Jockies, d’où tt jockey »), de Lüli, ou de Kauli J,jf . Les Tsiganes 

se donnent le nom de Beschâwân et appellent leur langue ’ 

Zeban-e-Kurbali, Kurbati est le nom que se donnent les Tsiganes de Syrie. 

Dès lors la question de l’origine des Gooudari et des Djougi se rattache à 
celle de l’origine des Tsiganes, qui est encore loin d’être éclaircie avec certitude. 
Nous ne faisons pas allusion aux théories aventureuses qui attribuent à ces 
nomades l’introduction du bronze en Europe aux époques préhistoriques, these 
soutenue par de Mortillet ll) , qui voient en eux, sur un texte d’Hérodote, les restes 
d’une colonie égyptienne du temps de Sésostris, fixée dans le Pont-Euxin ou 
les descendants de chrétiens d’Egypte qui auraient fui la persécution vers le 
vii e siècle, ou qui les retrouvent dans Ézéchiel et Isaïe (3) ou dans les Hiwiot 
<x ypiopovoi d’Homère (4) (les Tsiganes se donnent en effet le nom de Sinte), mais 
de la théorie courante qui voit en eux une ou plusieurs tribus venues de 1 Inde 
dans l’empire byzantin, vers le xiv e siècle (5) . Mais si l’on a pu, grâce aux archives 
européennes et aux éléments étrangers que renferment leurs vocabulaires, 
suivre leurs migrations successives en Europe^, cette question na pu etre 
résolue que parce que l’on possédait des vocabulaires étendus de tous les 
dialectes européens. En ce qui concerne les Tsiganes orientaux, il y a au 
contraire pénurie de documents: on ne sait rien sur les Tsiganes du Magreb (7) , 



U) D’après Bataillakd, Les Tsiganes de Vâge du bronze (J5wK. de la Soc . d anthropol. , Paris, 1876). 

( 2 ) J.~G. Hàsse, Zigeuner im Herodot, Konigsberg, 180 3 . 

(3) S. Robert, The Gypsies, their origin, conîinuance and destination as clearly for etold in the prophéties 
of Isaiah, Jeremiah and Ezechiel (L’auteur veut prouver que les Tsiganes descendent des anciens 
Égyptiens dont la dispersion a été prédite par les prophètes.) 

(4) C’est la théorie qu’a soutenue Bataillard, qui a toujours cru que les Tsiganes ont existé en 
Europe bien avant le xiv e siècle. Mais la structure linguistique de leur idiome néo-indou ne permet 
pas de les faire partir de l’Inde avant le xi e siècle. Cf. Miklosich, Uber die Mundarlen u . Wanderungen 
der Zigeuner , III, p. 3. 

{&) On les trouve en Crète en i3ss , à Corfou en 1 346 , en Valachie en 1 3 *jo , a Nauplie en 1 3 98. 
Les éléments nombreux empruntés au grec, et en particulier l’article o,i, qui manque aux dialectes 
orientaux, prouvent qu’ils ont dû vivre assez longtemps dans un pays de langue grecque. Cf. Miklo- 
sich, op. L, III, p. 7 . 

«>) C’est ce qui fait le sujet du grand ouvrage de Miklosich, Uber die Mundarten u. Wanderungen 

der Zigeuner, 1 vol. in- 4 °, Wien, 1872-1877, 8 parties. 

(?) J’ai recueilli autrefois un vocabulaire du dialecte des Beni-Addès d’Algérie, mais je ne lai 
pas sous la main en ce moment. L’appellation Beni-Addes est considérée par eux comme une 
insulte; ils se donnent le nom de Ijât, pluriel Ijouet. 



19 



' MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 

peu sur ceux (l’Égypte, de Syrie et de Perse (1) . Il n’était donc pas inutile 
d’appeler d’attention sur les deux vocabulaires recueillis par la mission de Perse, 
en montrant que M. de Morgan avait recueilli deux vocabulaires du tsigane 
oriental. Il serait à désirer que l’on en recueillît de plus étendus et que l’on y 
joignît des textes ou des phrases simples, qui donneraient une idée de la 
structure grammaticale de ces dialectes orientaux si peu connus. C’est seulement 
lorsque ce travail aura été fait que l’on possédera les éléments indispensables 
qui permettront de résoudre la question de l’origine des Tsiganes, et de les 
suivre en Orient dans leurs migrations, comme on Ta fait pour l’Europe (2) . 

U) Voir plus haut, p. 9, une bibliographie sommaire. 

(2) L e passage suivant de Newbold montrera combien il est difficile d’obtenir d’eux des renseigne- 
ments. «After paying a first visit to them in the Hosh-el-Ghagar, I returned the following day, but 
to my surprise, found their quarterquite desert. Suspicious of such unusual attention bestowed on 
them they had quietly absconded, and crossed the Nile on the skirts of the desert.» Un Ghagar, de 
qui j’espérais des renseignements sur leur langue, me répondit, après avoir consulté deux vieillards 
de sa tribu, qu’il ne savait pas le kurde (sic). 






* 




* 



III 

LE VERBE «WAY» EN AFAR. 

Le sens primitif de ce verbe ne paraît avoir été reconnu avec précision ni par 
Reinisch, ni par Golizza. La racine way (saho, wa, soho, wa) comporte les sens 
suivants selon Reinisch : «ne pas trouver, ne pas avoir, être en querelle»; avec 
le verbe à l’état construit, elle sert de négation, avec le subjonctil elle forme le 
futur : selon Reinisch, une phrase telle que, fandn-m ko wari senü wayna «nous 
te dirons à présent ce que nous désirons», s’explique par «nous n’avons pas 
encore eu l’occasion de te dire ce que nous désirons, mais elle se présente à 
présent». Golizza ne donne de cet emploi de way aucune explication: il se 
contente de dire : way «esser senza, mancare, non trovare», et: way uni au 
subjonctif sert à former le futur. 

On comprend difficilement qu’un verbe ayant le sens que lui donnent ces 
deux auteurs ait pu être employé en fonction d’auxiliaire pour exprimer le futur : 
il faut pour cela que ce verbe ait possédé un autre sens qui n’a point encore 
été indiqué. Ce sens primitif qui s’est complètement affaibli dans l’usage de la 
langue a dû être celui de chercher. Cette signification primitive a donné naissance 
à une signification voisine , celle de «vouloir» : la meme dérivation sémantique a 
eu lieu en espagnol, quiero «je veux», du latin quaero «je cherche», et en turc 
JusUJ, istemek «vouloir», pour *iz-le-mel ; le tatar a conservé le sens primitif,, 
iz-là-mek «chercher». Ce sens primitif de «vouloir» que nous attribuons au 
verbe way rend très bien compte de la formation du futur : une phrase telle 
que: a wok tâ kafô limoysü wa, a signifié, mot à mot, à 1 origine, «je veux que 
je te vende»; l’emploi de wa est tout à fait semblable ici h celui de 1 auxiliaire 
will dans thou wilt make. Les phrases suivantes s’expliquent de même : 

Ninnï bâhenam kô warisinü wayna «nous te (lirons ce que nous portons (nous voulons 

te dire)». 

Kâfâ adagâ arkisü wa «je la ferai porter aujourd’hui au marché (je veux la faire porter)». 

Puis le verbe way, comme dans l’anglais it will be said, a été employé même 
quand le sens de volonté n’était plus percevable; way est alors un simple 
auxiliaire dont le sens primitif est complètement affaibli, il est devenu ce que 
l’on appelle dans la grammaire chinoise un mot vide. 

Balai cheyâ kôk raddü way ta «la meule tombera sur ton fils» ( raddü — rad-tû ). 



22 



É. GALTIER. 



Mais le sens primitif de way « vouloir» subsiste encore dans plusieuis exem- 
ples : ainsi yi balaû, ko javimü wa peut parfaitement se traduire par «mon fils, je 
veux te faire une recommandation» ( far-im «faire son testament»). Mangarko 
abü-wa «je veux te faire un présent». 

Du sens primitif de «chercher, vouloir», on a pu passer de même à celui de 
«perdre», cf. en latin reliqua desiderantur, et par suite à celui de «ne pas trouver, 
être sans, être privé de» : 

Alà la nüm âU way îyan «le propriétaire de la chamelle ne la trouva pas». Amà liqâhi waya 
iyan «il ne trouva pas ce prêt». 

De là l’emploi avec tiddâ, au sens de se disputer, mot à mot «ne pas trouver 
l’union, la concorde», tiddâ way , et avec les verbes à l’état construit, dans le 
sens négatif, abela way «je ne vois pas» (videre non invenio) : 

Maha nateda angala-way-ta « pourquoi ne viens-tu pas avec nous ? » 

Abbtl ïbâ gala bah farâsa gala abela-waynoy «le père va à pied et le fils a cheval, nous n aurions 
pas voulu voir cela». 

Du sens de « perdre » , on est passé à celui de « ne pas avoir » : 

Yi balay saranâ way-la, masrüj wayta, bila way-ta «ma fille, tu n’as ni habits, ni nourriture, 
ni joyaux». 

* 

* * 



Le vocabulaire afar renferme un très grand nombre d’éléments étrangers, em- 
pruntés à l’arabe, à l’amharique, au tigré, etc. Quoique la plupart des emprunts 
aient déjà été indiqués par Reinisch, il m’a semblé qu’il n’était pas tout à fait 



les mots d 


origine arabe. Je 


marque 


d’un astérisque 


ceux dont Reinisch n’a 


pas donné l’étymologie. 










*Abü-nauwa$ 


nom propre arabe. 




Oddonya 


monde 


Loin 


*Abü 


père 


*1 


Oddür 


temps, jour 




(Le vrai 


mot afar parait être abba.) 


• A gin 


pâte 




Abadâ 


jamais 


ibot 


Ahad 


dimanche 




Abrahtm 


nom propre. 




*Akera 


l’autre monde 


syj 


Abriq 


vase 




(Le haoussa a emprunté aussi le mot sous la forme 








lahira. ) 






*Adar 


revenir 


; b 














Iïibïs 


diable 




Adbah 


lue 










(Ce mot n’est pas afar; il est mis dans la bouche 


*Alfi 


mille 


<_d! 



d’un personnage qui parle arabe.) 



4 





MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 


23 


Elhamdu,; lillah 




M <>4d 




B 




Alain 


assurer 




Bâb 


porte 


t_>L 


Aman 




O*' 


*Bilal 


nom propre. 




croire 






Undula 


perle 




Banduq 


fusil 










Barre 


désert 


? 


Arbdat 


mercredi 












*Bïre 


la nuit passée 


hier 


Artd 


terre 








i moment de \ 
1 la troisième) 




Barud 


poudre 












Arsi 




Birhi 


virginité 


 




( prière ) 






(Plutôt que 




Asfmdiyâ 


ablution 


* J» 


Beriig 


melon d’eau 




Itilen 


lundi 




Basal 


oignon 




Auwdl 


premier 


d? 


Bet'i 


hydromel 


e* 


Ayàm 


semaine 




Baysa 


pacha 


l&V 


(pluriel de 






(Du turc par l’arabe.) 












D 










Da « 


appeler 


Ici 




t 




Dabad 


musc 




'Ab 


boire 




Dafana 


entrer 




'Id 


fête 




*Dago 


petitesse 




Aduw 


ennemi 




Dahab 


or 


çaÆA 


'Afiyat 


santé 




Duhre 


milieu du jour 




*Aqil 


sagesse 




Dôlal 


gouverneur 




Allmi 






Dtmârn 


anneau du nez 


•Li 


savant 






r J 


Ammi 


oncle 


w 

r* 


*DamUl 


corbeille 




* Arab 


arabe 




Dari K 


champ 


t» 

£ > 


1 Isa 


soir 


»l&6 


*Duriyat 


postérité 
(et non .) 




Atkar 


soldat 


X, g 


* Dis te 


poche de fer 




" Ayar 


mépriser 


J** 


Dawâ 


remède 




(La forme arabe 


est plus probable 


que legeez.) 




(et non *l$à.) 


Ayt 


s’irriter 




Daua 


encrier 





24 




É. GALTIER. 








F 




Hakam 


commander 


(**k 


Fakëhi 


savant mah. 


AjJii 


Haqqe 


droit 


w 


Filjan 


tasse 




Halagô 


haillon 




*Farah 


se réjouir 


Z? 


Ealawà 


pâtisseries 




*Faras 


cheval 


U*^ 


Harârnû 


adultère 


r'r" 


Feras 


lit 




Harêr 


soie 




Fassar 


expliquer 


w , 


* H aras 


labourer 




Fatal 


filer 


J* 


*Hasab 


compte 




Fatan 


éprouver 




Haijda 


chose, affaire 




Faydat 


gain 




Hayle 


force 




*Gradumâ 


G 

hache 


✓ 

pj'XS 




K 




*Gafô 


corbeille 


âÜL» 


*Kadam 


servir 




*Gahannab 


enfer 


w 


Kafan 


linceul 




*Galabo 


peau d’animal 




Kafar 


païen 


y* 


(N’est pas l’arabe 


= peau d’une plaie qui guérit.) 


Kela 


mesure 




Guma'al 


vendredi 




Kalaq 


créer 




Ginni 


démon 


w 


Kam 


combien 




Gcinnat 


paradis 




*Kamîs 


jeudi 


j*jh? 


*Girib 


sac de cuir 


« 


Kim 


loyer 


»\JS 




J 




*Karâmal 


aumônes 




Jahannab, cf. gahannab. 




Kararal 


sac, poche 




Jimi 


poche 




Kïs 


sac 




( D’où jibe, jibi; cf. le haoussa aljifi, jimi, 


avec/=ô.) 


Kasaf 


découvrir 




Jumaat, cf. guniaat . 
Jinniy cf. ginni . 
Jannat , cf. g annal. 




*Kasam ou Qasam, tr citer quelqu’un en justice en 
jurant par la tête du qadi» : il y a peut-être une 
confusion entre d’où kasam, et j*u.b, 

d’où qasam . 




H 




Qasamat 


serment 


oLm3 


Habbu 


aimer 


w 


Kiswal 


habit 


ÏjmS 


Haji 


pèlerin 




Katab 


écrire 


VOS" 





MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 


25 


Kâlim 


sceau 


Ajila. 


Mulehû 


morceau de sel 


& 






p 




(Peut-être l’amh. amolie.) 




Kay y al 


coudre 














Manduq 


fusil 






Q 




Mërï 


domination 




Qâdt 


juge 




Marhaba 


merci, salut 




Qadar 


pouvoir 




Môsâ 


rasoir 


<s*y 


Qahuwa 


café 




Masbahat 


rosaire 




Qal 


penser 


(?) Jls 


Misgidi 


mosquée 


«XæÈ^O 


Q aidai 


forteresse 


iüJi 


Miskïn 


pauvre 




Qalib 


bouteille, nar- 


oJb 


Masalahat 


gain 






gileh 












• / 


Musulum 


musulman 




Qtlibat 


direction de la 








Mecque 


Mismâr 


clou 




*Qamts 


chemise 




Masaraba 


nargileh (cf. sarab.) 




Qara 


école 


p\j* 


*Ma$ruf 


dépense 




*Qarbe 


tombeau 


Ïja3 




(et non de 




Qarsi 


taler 


t b* 


Masariqa 


ouest 




Qersi 


piastre 


A» 


*Misttr 


secret, ne vient pas de jXm* 
mais de l’éthiopien mes tir. 


Qatat 


couper 


LaS 


Masuwa 


ville , nom propre 






M 






N 




Maaba 


nargileh 


de 


Ndal 


maudire 


J» 


Muedin 


muezzin 


V ** J 

U*** 


Nadï 


rosée 


J (S 1 -*-* 


* Mdaka 


cuillère 


MxL> 


Nagâr-à 


menuisier 




Midàd 


encore 


àl<X» 


Nâhli 


palme de dattier 


s* 


Muddi 


quantité. 


w 


*Nahâr 


poitrine 






comme 




(Gf. le pluriel nâhôr = arabe 


Midan 


balance 




Nahàs 


cuivre 


0“^ 


Miflah 


clef 


^Üüu 


Nàsdâ 


lit 




Magrib 


soir 


çyw 




R 




*Maharas 


agriculture 


de 


Rabbî 


seigneur 


V) 


Mal 


bien 


Ju 


Rub 


gagner 


& 



Mémoire s, t. XXVII. 



4 



26 



Ë. GALTIER. 



Rubu un quart g) 

*Rad «courir», ne parait pas emprunté à l’arabe 
= « chercher, rôder». 



Raf 


coudre 


U; 


Ragad «danser» , vient plutôt du geez 
l’arabe «courir». 


que de 


Rakûb 


dromadaire 
(et non 




RiJcâb 


étrier 




Râmili 


divination 
par le sable 


A»; 


Rusas 


plomb 




*Raleli trpoids», Reinisch renvoie à tort à nalri ; 
ce dernier vient de T abyssin nater et raieli de 
l’arabe . 

S 


Saat 


montre, heure 


Xfilw 


Sùbehi 


matin 




*Sabti 


samedi 




Sidi 


monsieur 


<xL* 


*Sadaf 


coquillage 


ÔOvAO 


*Stfâ 


ne peut venir de 


cô) 


Safar 


voyager 


jXèêè 


Sagad 


prier 


CSJ& 


Sâheb 


ami 


c_ajxLo 


*Sàhada (yalii) «musulman» d’ou 

ma-sahada «index», c’est-à-dire le doigt qu’on 
lève pour indiquer l’unité de Dieu. 


Sahaq 


«rire», plutôt de l’éthiopien que 


de l’arabe. 


Sahal 


être uni 




Sahan 


ass’.ette 




Sâheri 


sorcier 




Sahat 


tromper 


(»)«** 


Sôkâ 


fourchette 





*Sôkdr sucre 

( Sakay ) astakayn (subj.) «avoir un procès», . 



S? 

t 


pille 




*Silal 


ombre, om- 
brelle 




Salam 


salut 




Soltan 


sultan 




Sum te cheikh » , ce mot donné sans 
l’abyssin choum . 


étymologie est 


Sanii 


cire 




Summi 


poison 


r 


Sanduq 


coflre 




Sanat 


année 


UM 


Sarab 


boire 


LJj** 


Sirad 


lampe 




*Saraf 


dépenser 
(et non Cïjm») 


Cïyo 


Sarri 


méchanceté 


W 

VS 

j- 


Sêtân 


diable 




Satar 


cacher 


y** 


Sayfi 


épée 


sJUum 




T 




Tabânjà 


pistolet 




Tâjeri 


marchand 


y^ 


Talalâ 


mardi 




*Tâm 


sentir 




Tamir 


datte 


J* 




W 




Wak 


temps 


(?)cô. 


Wakïl 


protecteur 




Wallah 


par Dieu 


aMI, 


Waraqat 


papier 


**)} 



4 



IV 

NOTE SUR UNE STÈLE FUNÉRAIRE ARARE. 

L’abbé Bargès a publié autrefois, dans la Revue archéologique™, une stèle 
arabe d’après un estampage pris à Tarsous par V. Langlois, qui avait vu cette 
stèle dans la maison du consul anglais. L’abbé Bargès arrive aux conclusions 
suivantes : i° l’inscription est une épitaphe; 2 0 le défunt se nommait Hassan et 
était un personnage réputé saint parmi ses coreligionnaires, probablement quel- 
que santon ou derviche musulman; 3° les confrères de cet Hassan avaient érigé 
autour de son tombeau un monastère sur lequel ils invoquaient les bénédictions 
du ciel. Voici d’ailleurs la transcription du texte et sa traduction. . 

lüOj Ix.' W . l 

5 J! j jüüü J?.* U-y-? 

Jo 

ci 

10 juIp cr 

Au nom de Dieu 

clément et miséricordieux. O Dieu! 

Hélas! nous avons tous été affligés à cause de l’affection que nous portons 



D) Revue archéologique, 1 858, 1 4 e année , 2 e partie , p* 7^7 (Notice sur une dalle funéraire du iv e siècle 

de V hégire découverte à Tarse en i85i). 



U. 



28 



É. GALTIER. 



à celui que la mort a frappé et nous avons enseveli Hassan, ton serviteur. 

5 Nous lui avons bâti le couvent qui possède son tombeau et qui a besoin e 
ta miséricorde. Fais que nous y soyons à l’abri de tes châtiments. 

Habite-le toi-même, et daigne nous y mettre à l’aise avec toi 
sous ta protection; sois bon envers nous ainsi qu’envers ton prophète 
Mohammed : que Dieu lui soit propice, qu’il le salue 
10 et que celui qui est le plus miséricordieux, se montre envers lui miséricordieux. 

Malheureusement, la stèle ne renferme rien de semblable, et cet exemple 
nous montre qu’on peut être un assez bon arabisant et un très médiocre épigra- 
pbiste. Le texte doit être transcrit et traduit de la façon suivante : 

CrZV' 

(itaLjx ll) Ud 

[cl J] 

lui 

ci 

IM ** 

,£um [j] Ajçlc 
10 xAs. ps»jJ> Cy* 

0 

Au nom de Dieu 

clément et miséricordieux. 0 mon Dieu 
lorsque tu réuniras tes serviteurs 
au lieu du rendez-vous , sois bon envers ton serviteur 
5 qui habite ce tombeau, l’avide de 

ta miséricorde , en le mettant a 1 abri du châtiment , 
et fais-le habiter dans le lieu de tes jardins [célestes] 
dans ton voisinage et la société de ton prophète 

Mohammad (que Dieu répande sur lui ses bénédictions et 1m accorde le salut) 

,o et sois miséricordieux envers quiconque lui témoignera de la compassion. 



U) La gravure porte bien un alef et non un lam. 



29 



mémoires et fragments inédits. 

On remarquera un certain nombre de fautes dues au graveur: ligne e : ^\j 
pour Jfji ligne 3 : lit pour U; ligne B : pour oïl-, et l’oubli de 

JIWs û-J-l, 1- B, et de dans la formule bien connue 

Gomme on le voit, il n’est question dans cette stele, ni de Hassan, ni dun 
couvent bâti en son honneur. On n’y rencontre qu’une de ces formules banales si 
fréquentes dans les stèles funéraires et qui nous montre une fois de plus combien 
sont insignifiants les résultats que l’on peut attendre de l’épigraphie funéraire 

arabe. 




4 



LE MARTYRE DE PILATE. 

Le manuscrit dont nous publions le texte arabe et la traduction n'est pas 
entièrement inconnu. Il a été signalé autrefois par l'illustre orientaliste de Sacy, 
dans une lettre adressée à Birch et publiée par ce dernier dans un appendice 
de son ouvrage"’. La même histoire existe encore dans le manuscrit carchoum 
de la Bibliothèque nationale, n° 273, fol. 22-47. Le catalogue la résume 
ainsi» • Histoire de Pilate, de Joseph d’Arimalhie et de Nicodème; de la résurrection 
de Noire Seigneur et de ce qu'il a sosgert de la part des Juifs, par Cynaque de 
Bahnesü. Après quelques mots en syriaque, le manuscrit commence ainsi : 

-...U kà-o* ,_A*J U '—'«O' **!*>■• O-jélyÿ (j^üJÜl JU 

OIAWJ». Si s jN-^ '-Aeej uijAilyfe'l tjWJ LÿAJ! S 

Une troisième rédaction est, selon Thilo», contenue dans le manuscrit du Vati- 
can n“ 5 5 ». Je n’ai malheureusement pu consulter aucun de ces deux manuscrits , 
dont le second paraît être une rédaction abrégée du manuscrit que nous publions 1 * 1 . 

Le sujet de ces trois manuscrits est le martyre de Pilate; mais, comme on le 
verra plus loin, le contenu de ce manuscrit diffère complètement de l’apocryphe 
connu sous le nom de Paradosis Pilati. 

Pilate, ayant joué un rôle important dans la Passion, est devenu de bonne 
heure un des personnages que les auteurs d’apocryplies se sont plu à mettre en 
scène ou auquel ils ont attribué un certain nombre décrits ayant pour but de 
confirmer la mission du Christ. Ainsi Pilate figure dans les f iroprifiaTa tou 
K uptou fffiwv Itjcrov Xpfcrîoû ‘Ziïpce.y' 6 svT(Xs èiu IIoDTtou IïtXaTOU , connus aussi 
sous le titre d 'Acta ou de Gesta Pilati et d ’ Évangile de Nicodème et publiés par 
u invio rlrmt nn a Tïlmiftiirft rédactions grecques et 



W Cf. Thilo, Codex apocryphus Novi Testamenti , 1 vol, Leipzig, i 832 , p. clix. 

W Zotenberg, Catal. des manuscrits syriaques et sabéens de la Bibl . nat p. 211. 

W Je transcris, faute de caractères, les caractères syriaques en caractères arabes. 

W Thilo , ï. h , p. clvii. 

W ÀâSKMANi, Biblioth . orientalis, t. III, p. 286. 

^ C’est le ms. arabe n° 162 de la Bibliothèque nationale. Cf. de Slane, CataL des mss . ara es e 
la Bibl . nat, p. 35 . Le texte occupe les folios î-hq» Le manuscrit est du xvi e siècle et de diverses 
mains : c’est à tort que de Slane affirme que le dernier opuscule seul est dune main différente. 

^ Thilo, Codex apocryphes Novi Testamentum, p. 487-802. 

W Tischendorf, Evangelia apocrypha, Lipsiæ, 1886, p. 211 - 432 . 



32 



É. GALTIER. 



latines, se compose de deux parties diverses : la première ( 1 -XVI) comprend le 
récit de la condamnation, du supplice et de la résurrection du Christ. La deuxième 
(XVII-XXVII), le récit que font les fils de Siméon, Carinuset Lucius, ressuscités, 
de la descente du Christ aux enfers. La première partie a été, selon Tischendorf (1) , 
composée par un chrétien d’origine juive, afin de démontrer à ses compatriotes 
la vérité de la mission du Christ, par le témoignage de Juifs de marque qui 
avaient assisté à ces événements. Ces actes différeraient peu de ceux qu’a connus 
Justin au 11 e siècle (2) , mais auraient subi diverses interpolations. La deuxième 
partie est regardée par Maury (3) comme tirée d’Eusèbe d’Alexandrie et d’écrivains 
contemporains. Tischendorf la croit tirée d’un vieil apocryphe du il* siècle^, 
et composée par un chrétien d’origine juive, imbu des idées gnostiques Les 
'tTTOfivrjfMXTa, comprennent en résumé: 

Les Gesla Pilait, en grec, dont on a deux rédactions A et B. 

La descente du Christ aux enfers, en grec. 

Les Gesta Pilati, en latin. 

Le Descensus ad inféras, en latin, dont on a deux rédactions A et B. 

Dans le Descensus ad inferos latin est insérée une lettre de Ponce Pilate à 
Claude ( nuper accidit et quod ipse probavi), où il lui annonce la résurrection 
du Christ et l’engage à ne pas croire aux mensonges des Juifs. 

M Tischendorf, ibid., p. lxv. 

® Justin, Apol., I, 35, 48. Renan ( Vie de Jésus , î vol., Paris, 1867 , p. Lxi,n. i) est d’un avis 
contraire. Lipsius ne croit pas qu’ils soient plus anciens que la fin du iv e siècle. 

^ Màury, Nouvelles recherches sur V époque à laquelle a été composé ... l’évangile de Nicodème, Paris , 1 85 o. 

^ Nicolas ( Etudes sur les évangiles apocryphes , p. 36 o- 36 i) est du même avis. 

^ On en possède une rédaction en copte sahidique, éditée par Rossi, Trascrizione di un codice 
copto del museo egizio di Torino [Ment. délia reale Acad, delle scienze di Torino , 1 884 [p. 16 3 - 224 ] et 
trad. italienne, t. XLII, 1892, p. 237); une traduction latine de Peyron est reproduite dans 
Tischendorf, Ev. apocr p. 333 et seq. Un nouveau fragment copte des Acta Pilati a été publié 
avec traduction française par M. Lacau, Fragments d’apocryphes coptes, 1 vol., Le Caire, 1904 (t. IX des 
Mém. de l’Inst. fr. d’arch. or.), p. 9 et seq. M. Lacau écrit, page 2, à propos de ce texte : «La traduc- 
tion copte qui nous est connue (celle de Peyron) diffère sensiblement des recensions grecque et 
latine éditées par Tischendorf. Elle a été faite sur un original grec indépendant de tous les manuscrits 
qui nous sont parvenus. Or la nouvelle traduction copte dont je publie deux fragments diffère à la 
fois de cette première version copte et de toutes les versions grecques et latines. . . Ce texte prouve 
l’existence d’une nouvelle recension grecque tout à fait distincte de celles, pourtant très nombreuses, 
qui ont été retrouvées jusqu’ici.» Pour les versions slaves des Acta Pilati, voyez Harnack, Gesch. der 
altchristl . Lit. bis Eusebius, p. 907. 

(6Î Tischendorf, op . cit p. 4 1 3 - 4 16; Thilo, op.cit., p. 796-800, où l’on trouvera l’indication des 
éditions antérieures ; une traduction française dans Migne, Dict. de la Bible, 4 vol., t. III, .1 846 , 
p. c. 1 1 59-1 160. 



33 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 

On possède encore une autre lettre apocryphe de Pilate à Tibère César (1) , où 
il rend témoignage au Christ, «virum hercle ita pium et severum nulla unquam 
ætas habuit nec habitura est», et où il s’excuse d’avoir été forcé de le mettre à 
mort par crainte d’une sédition des Juifs. 

Le rapport de Pilate à César Auguste, connu sous le nom d 'Anaphora Pilati , et 
dont on a deux rédactions grecques, a été publié par Fabricius (t. III, p. 456 ), 
avec une version latine, reproduit dans Birch ( Auctuarium , 1799, Copenhague), 
par Thilo ( Codex apocryphus Novi Testamenti, p. 80 4 - 8 16), par Tischendorf 
(Evangclia apocrypha. A, p. 434 - 442 ; B, p. 443-449) et traduit dans Migne (2) . 
Une version arabe de YAnaphora a été publiée par M rs Gibson (3) : ce texte arabe, 
probablement traduit du grec, se rapproche de la recension A de Tischendorf, 
mais est plus ancien que le texte de Tischendorf (4) . Une version syriaque de 
YAnaphora est publiée dans le même volume des Apocrypha sinaïtica (5) . 

La correspondance entre Pilate et Hérode a été publiée par Wright d’après le 
manuscrit du British Muséum (addit. i 46 o 9 ) (6) . 

Une histoire du Sauveur, envoyée dit-on par Pilate à Tibère, et trouvée à 
Jérusalem dans un registre du temps de Théodose, a été publiée par les 
Bollandistes 

Enfin la Paradosis Pilati, ou condamnation et exécution de Pilate, a été publiée 
en grec par Thilo (op. cit., p. 8 1 3 - 8 13 ) , Tischendorf (op., cit., p. 449-455), 
et traduite dans Migne (Dict. des apocr., p. 75 1-764). Une version syriaque avec 
traduction anglaise a été publiée par M rs Gibson (8) . 

Il est encore question de Pilate dans divers fragments d’apocryphes coptes : 
ainsi dans un passage publié par M. Revillout (9) , Pilate interroge Jésus dans le 
prétoire au sujet de sa royauté. 

(1) Thilo, op. cit., p. 801-802; Tischendorf, op. cit., p. 433 - 434 ; Fabricius, Cod. apocrj/ph./ 1 , 

p. 3 oo ; III, p. 479. 

® Migne, Dict. des apocryphes, t. II, 754-760. 

l3) Dunlop Gibson, Apocrypha Sinaïtica, 1. vol., 1896, London (t. Y des Studia Sinaïtica), p. 1-1 1. 

'* P° u r les rapprochements entre YAnaphora et le pseudo-évangile de Pierre, cf. Gibson, Apocry- 
pha Sinaïtica, p. x-xi. 

(S) Pages î-io du texte ; traduction anglaise, p. 1-6. Pour les versions slaves, cf. Habnàck, Gesch. 

der altchr. Lit., p. 908. 

161 Wright, Contribution to the lit. of the New Testament, i 865 . 

W Acta Sanctorum, 4 février, p. 45 o. 

t8 > Apocrypha Smaïttca, texte, p. 6-1 4 , et traduction anglaise, p. 6-1 4 ; pour les versions slaves, 

cf. Harnack, p. 908. 

W Rmit0UT > Le* apocryphes coptes (Patrolog. orient., IJ, 2), p. 161-162. L’éditeur regarde ce 
passage comme appartenant à l'Évangile des douze apôtres; cependant il se rapproche singulièrement 

Mémoires, t. XXVII. 



34 



É. GALTIER. 



Dans un autre fragment") «Pilate est converti. Il veut prouver aux Jm s que 
le Christ est ressuscité et qu’on n’a pas emporté son cadavre. Les soldats qui 
gardaient le tombeau font des réponses différentes sur la dispantion du corps. 
Pilate se rend lui-même au tombeau : il y trouve les suaires; .1 se sert alors de 
cet argument vis-à-vis des Juifs : « Si l’on avait emporté le corps , on aurait emporte 
«les suaires en même temps». Les Juifs répondent que ce ne sont pas les suaires 
du Christ II faut donc prouver que les suaires en question sont bien ceux du 
Christ. On devine comment Pilate, parleur contact, va guérir l’ceil crevé du 

centurion 12 '.» Æ 

Dans tous ces textes, Pilate est représenté comme faisant tous ses efforts pour 

sauver le Christ, ou attestant sa mission divine. Mais à côte de cette legen e 
favorable à Pilate, il en a existé une autre où Pilate, le juge inique qui avait 
condamné Jésus à mort, finissait aussi misérablement que Judas qui l avait 
livré aux Juifs. Selon une tradition rapportée par Eusèbe (4) , Pilate aurait mis fin 
à ses jours par un suicide. Adon< 5) , dans sa Chronique, dit qu’il fut relègue a Vienne, 
en Dauphiné, où il se tua de désespoir. Cette même légende est reproduite dans 
un texte du xiv e siècle, publié par Tiscbendorf ^ : «Tibère malade envoie Volu- 
sianus chercher un médecin nommé Jésus, dont il a entendu parler comme 
guérissant de tous les maux. A l’arrivée de Volusianus, Pilate est rempli deffioi, 
sachant qu’il a fait crucifier Jésus sans motif : il cherche à tromper 1 envoyé en 
disant que Jésus était un malfaiteur. Volusianus (7) s’en retourne, et rencontre 
Véronique qui lui apprend qu’elle possède un linge portant une image miracu- 
leuse de Jésus. On emporte cette image à Rome, et dès que Tibère la voit, 1 es 

des Acta Pilati, cf. Tischendorf, op. cit., p. »o, dont le traducteur copte paraît avoir eu sous les 
yeux une rédaction légèrement différente : si l’Évangile des douze apôtres est un des plus anciens 

apocryphes, ce passage ne saurait en faire partie. 

(i) Lacau, Fragments d’apocryphes coptes, p. i3 et seq.; Revillodt, Les apocryphes coptes, p. 170. 

(s) Dans une légende française du moyen âge, on attribue à Judas les crimes d Œdipe : il est 
fort probable que cette légende est d’origine grecque ou orientale, car dans 1 ouvrage éthiopien 
Les mystères du ciel et de la terre, publié par Perruchon (Patrol. orient., I, 1 ), p- 7 », *1 est “ « * 
« Judas avait commis avec sa mère le péché d’impureté , il avait fait mourir son pere de sa main , 

avait lapidé sa sœur». 

W Eusèbe, His. eccl, II, 7 ; de même Orose, VII, 5. 

I 5 ) Ado , Chronic . œtas sept. 

(®) Tischendorf, Evang. apocr., p. 456-458. . , ,• 

P) Ce Velosianus et Véronique se retrouvent aussi dans la Vmdicta Salvatons apocryp 
connu au moyen âge sous le nom de Vengeance Vespasien, cf. Hist. litt. de la France, t. XXU, 
p. A 02 -A 16 , où il est aussi question de la mort de Pilate. 



35 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 

guéri II mande Pilate qui se présente revêtu de la tunique du Christ. Aussitôt 
f a C0 lère de l’empereur s’apaise, et il parle à Pilate avec bonté ; mais des que Pila e 
a disparu de sa présence, sa colère le reprend. Le meme fait se renouvelle 
nlusieurs fois. Enfin Pilate ayant, sur le conseil d’un chrétien , quitté cette tunique , 

L empereur le fait emprisonner et juger. PUate désespéré se poignarde dans sa 
prison. » Cette légende est rapportée aussi dans Jacques de Vara™ • Enfin on 
montre au-dessus de Lucerne'”, en Suisse, un lae nomme le lac de Pilate ou I on 
tient que ce gouverneur se précipita, étant poursuivi lorsqu il s enfuyait du heu 
de son exil. Le peuple ajoute qu’en un certain jour de l’année, on voit un spectre 
en babit déjugé qui disparaît ensuite en se plongeant dans le lac' ’. Les Lucer- 
nois croient que si l’on troublait l’eau de ce lac ou si l’on y jetait quelque chose, 
aussitôt il s’élèverait un orage dans le pays. C’est pourquoi l’on a grand soin 
d’avertir les curieux qui le vont visiter de n’y jeter aucune chose qui en puisse 

troubler l’eau^h 

Mais cette légende n’a pas eu le succès de la première qui représente Pilate 
comme favorable au Christ et qui est née de plusieurs passages des Evangiles 
canoniques (5) . Ainsi, dans son rapport à Tibère, il s’excuse d’avoir cédé à la pres- 
sion des Juifs «nutre tandem populi acertum me quasi invito et subtimente 
«supplicium sumptum est w t6 L Dans les Acta Pilati Pilate, plein de coleie, sort 
du prétoire et leur dit : « Je prends le soleil à témoin que je ne trouve aucun crime 
dans cet homme ». Plus loin W, il prend à part les prêtres et les lévites et leur 
dit : « N’agissez pas ainsi, car aucune des accusations que vous portez contre lui 
ne mérite la mort». Dans l’apocryphe copte « «Pilate entra dans le tombeau. 
Il prit les linceuls de Jésus. Il les serra contre son sein. Il pleura sur eux. Il les 
baisa de joie, comme si Jésus en était entouré.» Dans la Paradosis Pilati, la. 
légende a fait un pas de plus et Pilate croit en Jésus et lui adresse une prière 
avant de mourir : «Seigneur, tu sais que j’ai agi par ignorance. Ne me condamne 
«pas pour cette faute, mais pardonne-moi ainsi que ta servante Proela quj est 

\ _ J A ^ a J n WTk Vk Ai 












_ 



W Jacques de Varàzzo, éd. Græse, p. 2 32 . 

W Dictxonn. de la Bible , par dom Calmet ( EncycL Migne ), t. III, p. 1162. 

Cf. Walter Scott, Anne de Geierstein , chapitre premier. 

M Je nai pu consulter Migne, Dict . des légendes du christianisme. 

Matthieu, xxvu, 19, 24 ; Luc , xxu, 4 ; xxiii, i 4 -i 6 ; Jean , xviii, 39; xix, 12 etc. 
W Tison endorf, Ev ap., p. 433. 

Ibid., p. 229. 

W Ibid., p. 232 . 

W Revillout, Apocr. coptes, p. 172. 



5. 



36 



É. GALTIER. 



« ma faute, mais pardonne-nous et place-nous au nombre de tes justes. » Et comme 
Pilate achevait sa prière, une voix descendit du ciel, disant : cr Toutes les géné- 
tf rations et toutes les nations t’appelleront béni, parce que cest de ton temps et 
tf par ta main, qu’a été accompli ce gui a ete dit par les prophètes a mon sujet . . . » 
Et le præfectus trancha la tête de Pilate, et voici que lange du Seigneur la 
montra et son épouse Procla, ayant vu l’ange qui venait et recevait la tête de 
Pilate, fut remplie de joie, et elle aussi expira à l’instant même et fut ensevelie 
avec son époux (l) . » 

Un langage analogue est prêté à Pilate dans un fragment de parchemin, seul 
reste d’un manuscrit éthiopien (2) où un dessin grossier représente Pilate dans 
l’attitude de la prière : ce Je crois que tu es ressuscité et que tu m’as apparu et 
que tu ne me jugeras pas, parce que j’ai agi pour toi craignant ceci des Juifs (?). 
Et ce n’est pas que je nie ta résurrection. Je crois en ta parole et dans les miracles 
que tu as faits parmi eux quand tu étais vivant. Tu as ressuscité plusieurs morts. 
C’est pourquoi, ô mon Dieu, ne sois pas irrité contre moi à cause de ce que tu (?) 
as fait.» 

Enfin Pilate est regardé comme saint dans l’Eglise abyssine : on lit en effet 
dans le Synaxaire éthiopien, au 2 5 senê : « Salam à Pilate et à sa femme ». Cette 
dernière est appelée Procula par Jean Malalas (Chr., p. 3oq), Nicéphone et le 
Pseudo-Dexter (Chron.), qui ajoute Claudia Procula. La tradition quelle devint 
chrétienne est rapportée par Origène (hom. inMatlh., 35), Chrysostome (in Matth. ). 
Les Ethiopiens l’appellent Abrocla (Ludolf, Lex. æth., 5 ù 1 ), et les Grecs célèbrent 
sa commémoration parmi les saints le 27 octobre sous le nom de IIpdxAad 3 *. 

Le texte attribué à Cyriaque de Bahnesa nous présente un Pilate fort peu 
différent de celui de la Paradosis, un Pilate non seulement converti mais encore 
subissant la passion comme le Christ, et rachetant sa faute par son martyre. 
Voici une brève analyse de cette légende. 

(F 0 1.) Le lendemain du sabbat, Marie se rend au tombeau de Jésus. Jésus lui apparaît et 
lui apprend sa résurrection. Marie le prie de lui expliquer les mystères dont elle a été témoin 
et les paroles qu’il a prononcées sur la croix. Jésus les lui explique longuement et disparaît. 
Marie va trouver les disciples pour leur faire connaître ce quelle a vu. 

(F 0 9.) Pilate prépare un festin pour les pauvres et sa femme Procla veut aller visiter le 
tombeau de Jésus. Les Juifs et Barrabas vont s’embusquer dans le chemin. Mais Joseph 

(1) Tischendorf, op. cit., p. 455. 

( 2 ) Cité par M rs Gibson ( Apocrypha Sinaïtica, p. xn), qui renvoie au sujet de ce texte à un article 
de M. Baker, dans le Newbery House Magazine, décembre 1892. 

(3 ) Tischendorf, op. cit., p. 523. 



37 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 

4L 

d’Arimathie, prévenu par Gamaliel, donne avis à Pilate de leur dessein. Procla part, accom- 
pagnée de gardes qui font prisonnier Barrabas. Pilate le fait aussitôt crucifier. 

(F 0 12.) Les Juifs vont se plaindre à Hérode de la tyrannie de Pilate. Hérode envoie à Tibère 
un rapport mensonger sur le compte de Pilate : ce dernier de son côté lui écrit pour l’informer 
que les Juifs ont crucifié Jésus. L’empereur irrité fait mettre à mort les faux témoins d’Hérode 
porteurs de son rapport et envoie un officier à Jérusalem pour savoir la vérité sur les prodiges 
dont Pilate lui a parlé. 

(F 0 i 4 .) Les Juifs s’entendent avec cet envoyé qui fait flageller Pilate et le fait promener 
ignominieusement dans la ville : puis, acheté par les Juifs, il les autorise à le crucifier. Cependant 
les gardiens de la prison où est enfermé Pilate viennent annoncer que ses chaînes se sont 
fondues comme de l’eau et qu’un être lumineux s’entretient avec lui. Les Juifs achètent leur 
silence. Pilate subit la passion comme le Christ : sur la croix il prononce une prière. Des 
couronnes descendent du ciel. ( F 0 22.) A la vue de ce prodige, les Juifs détachent Pilate de la croix. 

Un esprit impur étrangle le fils de Tibère pendant qu’il est au bain. L’impératrice se souvient 
alors des miracles de Jésus et conseille à Tibère d’envoyer le corps à Jérusalem et de le déposer 
dans le tombeau du Christ. (F 0 2 4 .) L’empereur écrit une lettre au Christ. (F°26.) Le Sauveur 
apparaît à Pilate dans sa prison et lui prédit son martyre. (F° 28.) Le corps du fils de Tibère 
arrive à Jérusalem : sachant qu’il ressuscitera, les Juifs conviennent de le voler et de le cacher. 
Pilate, Joseph et Nicodème sont accusés du vol. Gabriel leur apparaît, les rassure et révèle où 
est le corps (f° 3 i) qui est déposé dans le tombeau de Jésus. Le fils de l’empereur ressuscite le 
quatrième jour. (F 0 3 a.) Il écrit à son père pour lui annoncer sa résurrection et (f° 36 ) part 
pour Rome où il fait une entrée triomphale. 

L’empereur mande Pilate pour qu’il lui dépeigne Jésus, (f° 3 9) puis il lui reproche de l’avoir 
fait périr et condamne Pilate à mort. (F 0 4 0.) Prière de Pilate : il est mis à mort. Son corps est 
transporté à Jérusalem où Ton trouve sa femme morte ainsi que ses enfants. 

(F 0 4 2 .) L’impératrice fait chercher la Vierge pour placer sur sa tête la couronne du royaume ; 
mais déjà elle était montée au ciel portée par les ailes des chérubins. Le Sauveur ordonne à 
Jean de se rendre à Rome. Les soldats qui n’ont point trouvé la Vierge emmènent Jean. 

(F° 46 .) L’empereur demande à Jean de lui faire le portrait du Christ. Jean obéit, mais l’image 
du Christ lui adresse la parole et se plaint d’être représentée crucifiée. Jean refuse les présents 
de l’empereur : un nuage lumineux l’enlève et le dépose sur la montagne des Oliviers. 

(F 0 48 .) Les apôtres désirent revoir la Vierge. Elle leur apparaît dans une gloire qu’on ne 
saurait décrire et leur donne l’assurance que Pilate, sa femme et ses enfants sont dans le 

Paradis. 

Ce texte arabe est donné comme étant une homélie composée par Cyriaque, 
évêque de Bahnesa. Mais si c’est une homélie , il faut avouer que la partie oratoire 
est singulièrement restreinte, car elle est réduite aux trois passages suivants : 
k O h quels pleurs il y eut ce jour-là dans la ville de Jérusalem, quand on les vit 
enchaînés, les mains liées derrière le dos, traînés par les pieds à travers la ville». 
Et au folio 36 : «Oh quelle joie il y eut dans la ville, quand on vit un mort, qui 



38 



É. GALTIER. 



était demeuré trois mois dans le tombeau, ressuscité, porté en litière et précédé 
et suivi de troupes nombreuses ». Et enfin la conclusion : « Et moi 1 humble Heria- 
qos, je vous le demande, priez pour moi et pardonnez -moi, afin que mon 
Seigneur Jésus le Messie me pardonne mes fautes, car c’est un Dieu qui aime 
les hommes, qui nous a sauvés par sa croix et qui nous sauvera aussi et nous 
pardonnera par sa divinité et qui, en outre, nous a rendus dignes de la joie de 
sa résurrection, et dignes de la réunion dans son royaume éternel, afin que 
nous bénissions et louions le saint nom de Celui à qui convient la louange, la 
gloire, le respect et l’adoration avec son Père pur et l’Esprit Saint, à présent et 
en tous temps, et dans les siècles des siècles. Amen.» Et il est d’ailleurs fort 
possible que les deux premiers passages appartiennent non pas à Cyriaque, mais 
au rédacteur Gamaliel à qui est attribuée cette légende. 

Dans cette dernière hypothèse , qui me paraît fort probable , Cyriaque aurait 
simplement reproduit avec plus ou moins de fidélité une légende apocryphe 
qu’il aurait fait suivre d’une courte péroraison* 1 ). Ce procédé, qui consiste à trans- 
former un texte narratif en un sermon en y ajoutant au commencement ou à la 
fin quelques réflexions personnelles, est familier aux Coptes, et il est souvent diffi- 
cile au premier examen de distinguer si l’on a affaire à un texte narratif apocry- 
phique ou à un sermon reproduisant un texte narratif dans lequel le rédacteur 
s’adresse de temps à autre à son auditoire. Ainsi M. Revillout a inséré dans son 
Evangile des douze apôtres * 2) un fragment qui appartient certainement à une homé- 
lie :« Avez-vous, o mes frères, de Seigneur comme celui-ci, aimant ses apôtres, leur 
promettant son royaume, pour qu’ils mangent et boivent avec lui sur la table 
de son royaume? Depuis qu’il était sur la terre, il mangeait avec eux sur la table 
de la terre, en leur rappelant la table de son royaume, car il comptait pour rien 

les choses de ce monde. Si tu veux savoir, écoute, je t'enseignerai » Il en est 

de même plus loin* 3 ) : «Vous avez vu, o mes bien-aimés, l’amour de Jésus pour 
ses apôtres; car il ne leur a rien caché dans les œuvres de sa divinité, une fois 
dans la bénédiction des cinq pains d’orge, une fois dans l’action de grâces à son 

père, une fois en rendant grâces pour les sept pains. Thomas dit à Jésus » 

Ces apostrophes: « ô mes frères », « ô mes bien-aimés », « si tu veux savoir, écoute », 

R' Il y a aussi une autre hypothèse, c’est que Cyriaque aurait composé cet ouvrage de toutes 
pièces et l’aurait ensuite attribué à Gamaliel. Je la crois peu vraisemblable, quoiqu’on ait dit quelque 
part que c’était une habitude des Coptes, car Cyriaque aurait alors passé sa vie à composer des 
légendes apocryphes, occupation peu honorable pour un évêque. 

® Revillout, Apocryphes coptes (Patr. orient, I, 1), p. i32. 

W Ibid., p. i35. 



* 



39 



MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 

indiquent assez clairement que ces fragments faisaient partie d’une homélie ou 
d’un sermon. Or, comme nous l’avons dit plus haut, la prétendue homélie de 
Cyriaque est encore plus pauvre en réflexions personnelles, et ceci est un indice 
que l’auteur se contente de reproduire simplement une ancienne légende. Si au 
lieu d’être écrite en arabe, elle l’était en copte, et si nous n’en possédions que 
des fragments, il est probable quelle prendrait aux yeux des critiques une toute 
autre importance et qu’ils n’hésiteraient pas à y voir un apocryphe inconnu. 

L’auteur de cette légende sur Pilate nous est connu, car il se cite à plusieurs 
reprises : au folio 9, quand les Juifs veulent tuer Pilate, il est dit : «Et moi 
le pauvre Gamaliel, quand j’eus connaissance de leur piège, je ne pus supporter 
cela, et j’allai en hâte trouver Joseph, celui qui avait enveloppé le Sauveur Jésus 
dans le linceul, et je l’informai du piège des Juifs». Au folio 29: ce Telles furent 
les paroles qu’adressa le chef des anges Gabriel aux chefs élus Joseph et INico- 
dème, qui me firent prévenir secrètement et m’apprirent tout ce qu avait dit 
l’ange du Seigneur, Gabriel. Et moi, le pauvre Gamaliel, j’étais le disciple de 
ces bienheureux. En sortant de chez eux , j’entendis un grand bruit dans la ville. » 
Au folio ko: «Ainsi parla le bienheureux Pilate, tandis qu’il priait prosterné. Et 
moi le pauvre Gamaliel, je ne pouvais retenir mes larmes, en voyant celles du 
bienheureux Pilate. » Et enfin au folio 69 : «Et moi 1 humble Gamaliel, je con- 
naissais la science de l’écriture. .... j’ai donc écrit tout ceci, afin de rappeler 
la résurrection sainte. » Ce Gamaliel est évidemment le même que celui dont il 
est question dans les Apocryphes coptes de M. Revillout, p. 17^, ou ce personnage 
intervient dans un passage relatif à Pilate : «(On conduisit) Pilate et le centurion 
sur le puits d’eau du jardin, puits très profond. Moi Gamaliel, je les suivais aussi 
au milieu de la troupe **). » Si ce Gamaliel est l’auteur putatif d’un certain nombre 
de légendes apocryphes dans la littérature copte , rien d’étonnant à ce qu il en 
soit de même dans la littérature arabe-copte. C’est à ce même Gamaliel qd’est 
attribué, si mes souvenirs sont exacts, le récit d’un miracle qui eut lieu a 
Beyrouth, où les Juifs firent subir la passion à une image du Christ* 2 ). Le récit 
de ce miracle lui aura sans doute été attribué parce que c’est sous le nom de 
Gamaliel que circulaient un certain nombre de récits apocryphes relatifs à la 
passion. Et ceci nous est une preuve de plus que notre légende, en supposant 
que Cyriaque l’ait modifiée, n’est pas une invention pure et simple de cet évêque, 
mais la reproduction arabe de textes dont le copte est perdu. 



M Sur ce Gamaliel, cf. Eevillout, Âpocr. coptes , p. 127-138. 
(2) Cf. Galtieii, Byzantina ( Romania , 1900). 



40 



É. GALTIER. 



D’autres indices d’ailleurs conduisent à la même conclusion. Ainsi, dans le 
texte arabe, il est question d’un voyage de Jean à Rome auprès de l’empereur 
Tibère. De même dans les apocryphes copies (1) : « Quant à Garios, il envoya auprès 
de l’empereur l’apôtre Jean qui lui dit toute chose au sujet de Jésus. L’empereur 
Tibère accorda de grands honneurs à Jean. » Dans les apocryphes coptes on veut 
faire Jésus roi : dans le texte arabe c’est la Vierge que l’on cherche pour placer 
sur sa tête la couronne du royaume. 

Quand l’envoyé de l’empereur interroge Pilate, les Juifs s’écrient : rrQue te 
sert de l’interroger? il t’insulte en langue copte, n Ce passage est assez surprenant, 
mais il a son pendant dans les Apocryphes coptes (p. i 5 a) : rrHérode ne put 
supporter cela sans mépriser Pilate. Il lui dit : rfTu es un Pontus Galiléen, 
étranger, Egyptien. r> Il semble qu’il y ait eu en Egypte une tradition d’après 
laquelle Pilate était Egyptien d’origine. 

La prétendu homélie de Gyriaque reproduit donc une ou plusieurs légendes 
de source copte : il me paraît même probable qu’elle a dû être écrite en langue 
copte et traduite du copte en arabe. Les mots du texte arabe sont séparés par 
une série de points rouges placés à ce qu’il semble au hasard et qu’on ne saurait 
prendre pour des signes de ponctuation^. Ges points me semblent marquer la 
séparation des lignes arabes correspondant à une ligne de copte. Dans les 
manuscrits coptes accompagnés d’une traduction arabe, le copte couvre la plus 
grande partie de la page, sauf une marge où est placée la traduction arabe de 
chaque ligne copte. Plus tard, lorsque le texte arabe a seul été copié, on aura 
marqué la séparation des lignes primitives par des points rouges, et parfois 
même le commencement de la page par trois ou quatre points rouges. Si cette 
hypothèse est vraie, notre texte arabe serait une pure traduction du copte 

Il resterait à déterminer l’époque à laquelle a été écrite cette légende, qui est 
certainement antérieure à Cyriaque de Bahnesa; mais l’époque à laquelle a 
vécu ce Cyriaque m’est inconnue. On possède de lui les ouvrages suivants : 

Un Panégyrique de la Vierge Marie, ms. arabe de la Bibl. nat. n° i 3 a, f. 189-147 
(le ms. est de 1629); un autre Panégyrique de la Vierge : ms. ar. n° i5o, f. in-i4i 
(ms. de 1606). 

Une homélie sur la fuite de la S te Famille en Égypte, ms. ar. n° 1 53 , f. 1-8 (xvn e siècle). 

Cf. Lacau, Fragments d’apocryphes coptes, p. 106; Revillout, Apocryphes coptes, p. 1A6. 

(2) Revillout, l . J ., p. 1A6. 

:3 ' J’ai reproduit les points de la première page du manuscrit. 

t4) Ges points n’existent pas dans tous les mss. arabes-coptes ; ainsi le martyre de Saiib en est 
dépourvu. 



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MÉMOIRES ET FRAGMENTS INÉDITS. 41 

Un discours sur la fuite en Égypte et le séjour de la Vierge et de l’enfant Jésus à Bisous, à 
l’est de Bahnesa : ms. ar. n° 1 55 , p. 160-178 (ms.de i 486 ). 

Un discours sur la fuite en Égypte et le séjour de la Vierge et de Jésus à Deir-el-Moharraq : 
ms. ar. n° i55 p. 178-188 (même date). 

Un panégyrique de Victor fils de Romanos : ms. ar. n° 2 1 2, f. 1 49-2 1 4 (la première partie 
de ce manuscrit est datée de 1817). 

Le martyre de Pilate : ms. ar. n” 1 5 o , f. 1-47 (xvi e siècle) (I) . Le même ouvrage dans le ms. 
du fonds syriaque de la Bibliothèque nationale n” 273, f. 22-47 (vvT siècle), en earchouni (2) . 

Une homélie sur la Compassion de la sainte Vierge : ms. syr. n° 232 , f. 472-493, en car- 
chouni (xvn e siècle). Le même ouvrage dans le ms. syr. n° 2 33, f. 37-76 (xvi' siècle), en Car- 
cbouni. Le même ouvrage existe en éthiopien à la Bibliothèque nationale, ms. éthiopien n° 1 o 4 , 
f. 39 (xvi' siècle) (3) . 

Cyriaque aurait donc vécu au plus tard au xiv e siècle. Quant à la date à 
laquelle a pu être composée la légende apocryphe sur Pilate, je laisse le soin 
de la déterminer aux critiques plus versés que moi dans l’étude des ouvrages 
apocryphes. Je me contenterai de remarquer que cette légende a été insérée sans 
nom d’auteur dans un des recueils éthiopiens de Miracles de la Vierge que 
possède la Bibliothèque nationale: c’est le manuscrit n° 62, qui est du xvi e siècle, 
et dont M.Zotenberg (4) donne l’analyse suivante sans signaler, selon son habitude, 
les textes arabes qui la contiennent, et qui ont échappé à son attention. 

Miracle 34 . (F. 5 o) Histoire de Tibère, empereur de Rome, qui ayant appris le crucifiement 
de Jésus-Christ, fit punir le juge. Puis son fils étant venu à mourir, il envoya son corps à 
Jérusalem trois mois après sa mort et écrivit une lettre à Jésus -Christ, dans laquelle il fit 
profession de foi et le pria de ressusciter son fils : «De la part de Tibère, roi de la terre, au 
roi des cieux, Dieu béni. Je t’offre mon adoration à toi Jésus-Christ, roi des rois; car j’ai appris 
d’un homme nommé Pilate, que tu as ressuscité des morts, et j’ai cru en toi. . . 11 Le corps du 
fils de Tibère fut déposé dans le Saint Sépulcre et ressuscita le quatrième jour. Sur la demande 
de sa femme, Tibère veut faire venir la Sainte Vierge à Rome, mais Jésus-Christ apparaît à la 
Vierge et aux apôtres et leur annonce qu’il va faire monter sa mère vers la Jérusalem céleste et- 1 
charge l’apôtre Jean de témoigner auprès de Tibère des actes accomplis par lui. 

Miracle 35 . (F. 53 v°) Histoire de saint Jean et de Tibère. Saint Jean raconte la vie de 
Jésus-Christ et, sur la demande de Tibère, il peint sur une grande pierre limage de Jésus- 
Christ crucifié. Cette image parle à Jean, devant Tibère et devant tout le peuple. Saint Jean 
est enlevé par un nuage et porté à Jérusalem auprès des apôtres. La Sainte Vierge lui apparaît 
et lui révèle à lui et à Jacques les mystères du royaume des cieux ( b) . 

(1) Tous ces manuscrits sont à la Bibliothèque nationale. 

® Cf. Zotenberg, Cotai, des mss. syr., p. 211. 

® Zotenberg , Cat. des mss. éthiopiens, p. 07. 

Ibid., p. 69. 

® Cette fin, différente du texte arabe, semble indiquer que l’éthiopien dérive d’une autre source. 

Mémoires, t. XXVII. 



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mémoires et fragments inédits. 



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mémoires ET FRAGMENTS INÉDITS. 47 

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MÉMOIRES ET FRAGMENTS INEDITS. 



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